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DU BOUDDHISME INDIEN.


gné d’une réunion de cinq cents Arhats, partit la face tournée vers Sûrpâraka. Alors la Divinité qui habitait le bois de Djêtavana, prenant un rameau de Vakula[1], se mit en marche derrière lui pour l’en abriter. Bhagavat connaissant l’esprit, les dispositions, le caractère et le naturel de cette Divinité, exposa l’enseignement de la Loi fait pour donner l’intelligence des quatre vérités sublimes, de telle sorte que cette Divinité, aussitôt qu’elle l’eut entendu, fendant avec la foudre de la science la montagne d’où l’on croit voir que c’est le corps qui existe, montagne qui s’élève avec vingt sommets[2], vit face à face la récompense de l’état de Çrôta âpatti.

Il résidait dans un certain endroit cinq cents femmes veuves ; elles virent le bienheureux Buddha orné des trente-deux signes qui caractérisent un grand homme, et dont les membres étaient parés de quatre-vingts marques secondaires, entouré d’une splendeur qui s’étendait à la distance d’une brasse, répandant un éclat qui surpassait celui de mille soleils, semblable à une montagne de joyaux qui serait en mouvement, et ayant l’extérieur parfaitement beau. À peine l’eurent-elles vu, qu’elles sentirent naître en elles une grande bienveillance pour Bhagavat. En effet, et c’est une règle reconnue, la possession de la quiétude ne cause pas à l’homme qui pratique le Yôga depuis douze années un bonheur aussi parfait, la possession d’un enfant n’en donne pas autant à celui qui n’a pas de fils, la vue d’un trésor n’en procure pas autant à un pauvre, l’onction royale n’en donne pas autant à celui qui désire le trône, que n’en assure la première vue d’un Buddha à l’être en qui existe la cause de l’accumu-

  1. Mimusops elenghi.
  2. J’ai traduit aussi littéralement, et je devrais dire aussi vaguement que cela m’a été possible, cette expression obscure du texte, que j’ai retournée en bien des sens avant d’y découvrir le peu de clarté que j’y aperçois. Voici l’original que je donne pour les lecteurs qui voudront ou pourront trouver mieux : Vim̃çati çikhara samudgatam satkâya drĭchṭi çâilam djñâna vadjrêṇa bhittvâ. Le terme vraiment difficile est satkâya drĭchṭi ; par le mot drĭchṭi (vue) on entend généralement, dans le style buddhique, une opinion erronée : ce doit être ici le sens propre, puisqu’il s’agit d’une opinion que la Divinité, instruite par Çâkya, tranche avec la foudre de la science. Cette opinion est celle du sat kâya, terme qui doit signifier le corps existant, ou la réunion de ce qui existe. Un passage de l’Abhidharma kôça vyâkhyâ (f. 474 b de mon man.) relatif au moi, que les Buddhistes nomment pudgala, ou la personne qui transmigre, et qu’ils distinguent des cinq attributs immatériels de l’existence (Skandha), me donne à croire que satkâya signifie le corps existant, et que le composé satkâya drĭchṭi revient à ceci : « l’opinion que le corps est ce qui existe, » c’est-à-dire qu’il est le moi qui seul existe, puisqu’il transmigre dans des corps qui périssent successivement. Suivant ce passage, il y a quatre manières d’envisager le moi, en l’identifiant plus ou moins complètement avec un des cinq attributs de l’existence. Ainsi on dit : « la forme est le moi, ou le moi a une forme, ou la forme est l’essence du moi, ou l’essence du « moi est dans la forme. » Ce qu’on dit de la forme peut se répéter des quatre autres attributs de l’existence, dont il sera question plus bas : de sorte que ces quatre points de vue attribués aux cinq attributs de l’existence forment vingt opinions erronées, dont on compare la somme à une montagne qui s’élève avec vingt sommets.