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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


lation des racines de vertu. C’est pourquoi Bhagavat, reconnaissant que le temps de leur conversion était venu, s’assit, en présence de l’Assemblée des Religieux, sur le siége qui lui était destiné. Les veuves, après avoir adoré en les touchant de la tête les pieds de Bhagavat, s’assirent de côté. Bhagavat connaissant l’esprit, les dispositions, le caractère et le naturel de ces femmes, leur exposa l’enseignement de la Loi, comme il a été dit ci-dessus, tellement qu’elles virent face à face la récompense de l’état de Crôta âpatti. Aussitôt qu’elles eurent vu la vérité, elles chantèrent trois fois ces actions de grâces :

Non, nous n’avons reçu, seigneur, ni de notre mère, ni de notre père, ni d’un roi, ni de la foule de nos parents ou de ceux qui nous sont chers, ni des Divinités, ni de ceux qui sont morts depuis longtemps, ni des Çramaṇas, ni des Brâhmanes, nous n’avons reçu d’eux, disons-nous, rien qui égale ce que fait pour nous Bhagavat.

Les océans de sang et de larmes sont desséchés ; les montagnes d’ossements sont franchies ; les portes des mauvaises voies sont fermées[1] ; nous sommes établies au milieu des Dêvas et des hommes ; nous sommes arrivées à l’éminence, à la supériorité.

Nous cherchons un asile auprès de Bhagavat, auprès de la Loi, auprès de l’Assemblée des Religieux, auprès des fidèles ; que Bhagavat veuille bien nous recevoir en qualité de disciples.

Puis s’étant levées de leurs siéges, dirigeant leurs mains réunies en signe de respect du côté où se trouvait Bhagavat, elles lui parlèrent ainsi : Ah ! que Bhagavat daigne nous donner une chose quelle qu’elle soit, pour que nous rendions à son présent les hommages qui lui sont dus ! Alors Bhagavat trancha par sa puissance surnaturelle sa chevelure et ses ongles, et les leur donna. Et aussitôt les veuves dressèrent un Stûpa pour la chevelure et pour les ongles de Bhagavat. Ensuite la Divinité qui habitait le bois de Djêtavana planta en manière de poteau, près de ce Stûpa[2], la branche de Vakula qu’elle tenait à la main, et dit à Bhagavat : Et moi, Bhagavat, je rendrai à ce Stûpa les hommages qui lui sont dus ; aussi s’arrêta-t-elle dans cet endroit. De là vient que les uns nomment « le Stûpa des veuves, » et les autres « le Stûpa du poteau de Vakula » ce monument que les Religieux qui honorent les édifices élevés à Bhagavat vénèrent encore aujourd’hui.

  1. La version tibétaine ajoute : « les portes de l’affranchissement et du ciel sont ouvertes. »
  2. Je traduis littéralement yachtyâm ; mais le tibétain le remplace par les deux mots hkhor-sa, auxquels Schruter donne le sens de courtyard, et qui signifient littéralement « la terre qui entoure. » D’après cette interprétation il faudrait traduire : « planta dans l’enceinte qui environnait le Stûpa. » On trouve encore des traces d’enceinte près de quelques Stûpas.