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DU BOUDDHISME INDIEN.


vat pour entendre la Loi. En conséquence Bhagavat la lui enseigna. Le respectable Mahâ Mâudgalyâyana, qui avait pris le vase du Bienheureux, se mit à le laver. Alors Bhagavat lui dit : Partons, Mahâ Mâudgalyâyana. Partons, Bhagavat, reprit le Religieux. Et par la puissance de qui ? dit Bhagavat. Par celle du bienheureux Tathâgata, dit le Religieux. S’il est ainsi, réfléchis à l’endroit où se trouve Djêtavana, dit Bhagavat ; et au même instant le Religieux s’écria : Bhagavat, est-ce que nous sommes arrivés ? Bouleversé par la surprise, il dit aussitôt : Quel est donc le nom, ô Bhagavat, de cette puissance surnaturelle ? — Elle se nomme, ô Mâudgalyâyana, « rapide comme la pensée ; » je ne la connais pas moi-même distinctement, tant sont profondes les lois des Buddhas. Si cela [m’] était connu, ma pensée ne se détournerait plus de l’état suprême de Buddha parfaitement accompli, dût mon corps être broyé aussi menu que la graine de sésame. Aujourd’hui qu’aurais-je à faire, maintenant que le bois est brûlé[1] ?

Mais les Religieux, dans l’esprit desquels s’étaient élevés des doutes, s’adressèrent ainsi au bienheureux Buddha, qui tranche toutes les incertitudes : Quelle action avait donc faite le respectable Pûrṇa, ô seigneur, pour naître dans une famille riche, fortunée, jouissant de grandes richesses ? Quelle action avait-il faite encore pour naître dans le sein d’une esclave et pour obtenir ensuite, quand il fut entré dans la vie religieuse, de voir face à face l’état d’Arhat, après avoir anéanti toutes les corruptions du mal ? Bhagavat leur répondit : Pûrṇa, ô Religieux, a fait et accumule, en qualité de Religieux, des actions qui ont atteint à leur achèvement, dont les causes sont arrivées à leur maturité, qui l’ont accompagné comme la lumière [accompagne le corps qui la produit], qui devaient nécessairement avoir un terme. Quel autre [que moi] connaîtra distinctement les actions faites et accumulées par Pûrṇa ? Les actions faites et accumulées, ô Religieux, n’arrivent pas à leur maturité dans les éléments extérieurs soit de la terre, soit de l’eau, soit du feu, soit du vent ; mais c’est seulement dans les [cinq] attributs intellectuels, dans les [six] parties constitutives du corps et dans les [cinq] organes des sens, véritables éléments de tout individu[2], que les actions faites et accumulées, les bonnes comme les mauvaises, arrivent à leur maturité complète.

Les œuvres ne sont pas détruites, fût-ce même par des centaines de Kalpas ; mais quand elles ont atteint leur perfection et leur temps, elles rapportent des fruits pour des créatures douées d’un corps.

Jadis, ô Religieux, dans ce Bhadra Kalpa même où nous sommes, quand

  1. J’ai traduit littéralement ces paroles, dont je ne saisis pas bien le sens énigmatique.
  2. Le texte lit ici api bhûpântêchcêva, duquel je ne puis rien faire, et que je remplace par api bhûtântêchvêva, « qui seuls aboutissent à un être individuel, c’est-à-dire qui le constituent. »