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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


qu’une traduction d’un traité primitivement écrit en sanscrit ; du moins on trouve dans les mots theou tho la transcription exacte du sanscrit dhûta, que les Chinois dérivent bien d’un mot signifiant secouer[1]. Mais quand même l’original de ce traité chinois serait pâli, nous avons une raison plausible de croire qu’un livre pareil a existé dans le Nord sous une forme sanscrite ; c’est que les titres des douze observances du Chi eul theou tho se trouvent énumérés dans le Vocabulaire pentaglotte buddhique[2]. Ils y sont pour la plupart manifestement corrompus ; l’altération cependant ne va pas jusqu’à faire disparaître les traits caractéristiques du langage primitif. L’énumération du Vocabulaire pentaglotte a encore un autre intérêt : c’est qu’il est possible de la comparer à une liste semblable qui a cours chez les Singhalais[3]. La liste dont je parle a pour titre Teles dhûtangga, en pâli Terasa dhûtangga, c’est-à-dire « les treize règles par lesquelles on secoue le péché. » Nous retrouvons ici le theou tho chinois, dont je parlais tout à l’heure ; c’est bien la transcription du sanscrit dhûta, qu’on ne doit pas traduire, avec Clough, par messager. Ces deux listes, celle du Vocabulaire et celle de Clough, diffèrent sans doute en quelques points, indépendamment même de la différence des deux nombres, douze dans l’une et treize dans l’autre. Je signalerai ces différences en suivant l’ordre de la liste du Vocabulaire, qui s’accorde mieux avec celui des Singhalais qu’avec celui du traité chinois. Il s’agit d’ailleurs ici des sources sanscrites du Buddhisme, et ce n’est qu’en passant que je puis parler des formes pâlies propres au Buddhisme du Sud.

Le premier des douze articles du Vocabulaire est écrit Sânpukulika ; c’est une orthographe fautive du terme pâm̃çukûlikaḥ, qui dans la langue des Buddhistes signifie « portant des haillons trouvés dans la poussière. » Ce terme est régulièrement dérivé de pâm̃çukûla, « monceau de poussière ; » c’est en effet dans les tas d’ordures, dans les cimetières et autres lieux abandonnés, que les Religieux doivent ramasser les haillons dont se compose leur vêtement. Cette prescription est la première selon la liste des Singhalais, et elle répond à l’article septième du traité chinois, relatif aux haillons dont les Religieux doivent se faire des vêtements rapiécés. L’injonction que renferme cet article est certainement des plus anciennes chez les Buddhistes, et les légendes y font de perpétuelles allusions, par exemple quand Çâkya recommande aux Religieux de coudre et de laver les pièces de leurs vêtements. J’ajoute que la partie tibétaine du Vocabulaire pentaglotte[4] justifie ma lecture et mon interprétation ; l’article

  1. Foe koue ki, p. 60.
  2. Vocab. pentagl., sect. XLV.
  3. Clough, Singhal. Dict., t. II, p. 242, col. 2.
  4. Je dois à la complaisance de M. Foucaux la liste des titres tibétains des douze sections qui