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DU BUDDHISME INDIEN.


monde, je te donnerai cet enfant pour qu’il devienne Çramaṇa et qu’il te suive. Maître de maison, reprit Çâriputtra, voilà une bonne idée.

La femme de Buddha rakchita, au bout de huit ou neuf mois, mit au monde un fils, beau, agréable à voir, ravissant, ayant le teint blanc, la peau de couleur d’or ; sa tête avait la forme d’un parasol ; ses bras étaient longs, son front large, ses sourcils réunis, son nez proéminent. Les parents s’étant réunis au bout de trois fois sept ou vingt et un jours, célébrèrent d’une manière brillante la fête de la naissance de l’enfant, et s’occupèrent de lui donner un nom. Quel nom aura l’enfant ? [dirent les uns ; d’autres répondirent :] Cet enfant est le fils du maître de maison Buddha rakchita ; qu’il reçoive donc le nom de Sam̃gha rakchita. Le jour où était né Sam̃gha rakchita, cinq cents marchands eurent chacun un fils qui leur vint au monde, et auquel ils donnèrent un nom conforme à celui de leur famille. Le jeune Sam̃gha rakchita fut nourri et élevé avec du lait, avec du caillé, avec du beurre frais, avec du beurre clarifié, avec de l’écume de beurre, et avec d’autres espèces d’assaisonnements chauds ; et il crût bien vite, semblable à un lotus dans un étang. Quand il fut grand, le respectable Çâriputtra reconnaissant que le temps de le convertir était venu, entra dans la maison de Buddha rakchita sans être suivi de personne, et commença à y donner signe [de sa présence]. Le maître de maison Buddha rakchita dit alors à Sam̃gha rakchita : Ô mon fils, tu n’étais pas encore né que je t’avais déjà donné au vénérable Çâriputtra pour que tu devinsses Çramaṇa et pour que tu le suivisses. Ce jeune homme, qui était entré dans sa dernière existence, s’attacha aux pas du respectable Çâriputtra qu’il suivit constamment. Introduit dans la vie religieuse par Çâriputtra, il reçut de lui l’investiture et la connaissance des quatre recueils de commandements (Âgamas).

À quelque temps de là, les cinq cents marchands ayant rassemblé des marchandises destinées à un voyage de mer, et désirant s’embarquer sur le grand Océan, se dirent : Pourquoi, amis, n’embarquerions-nous pas avec nous un Ârya, afin que quand nous serons au milieu du grand Océan, il nous enseigne la loi ? D’autres leur répondirent : Amis, voilà l’Ârya Sam̃gha rakchita, qui est de notre âge, qui est né en même temps que nous, qui a joué avec nous dans la poussière[1] ; c’est lui qu’il faut embarquer avec nous. Ils se rendirent donc auprès de lui et lui dirent : Ô Sam̃gha rakchita l’Ârya, tu es de notre âge, tu es né en même temps que nous, tu as joué avec nous dans la poussière. Nous allons partir pour le grand Océan ; viens donc aussi t’embarquer avec nous ;

  1. Les deux manuscrits sanscrits lisent sahapram̃çukrîḍanaka, qui pourrait se traduire à la rigueur par « qui a la taille et les jeux en commun. » Mais j’ai suivi le tibétain, qui part d’un texte où on lisait pâm̃çu, « poussière, » au lieu de prâmçu, « qui est de haute taille. »