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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


dans la vie religieuse sous l’enseignement de Kâçyapa, le Buddha parfaitement accompli. Avide de gain, il avait l’habitude de transformer en provisions pour l’hiver ce qu’il gagnait l’été, et en provisions pour l’été ce qu’il gagnait l’hiver. Le résultat de cette action, c’est qu’il marche le corps partagé par le milieu et n’étant plus soutenu que par ses muscles[1].

Les Religieux sentant des doutes naître dans leur esprit, adressèrent la question suivante au bienheureux Buddha, qui tranche tous les doutes : Où le Nâga kumâra [Bhadra mukha] a-t-il commencé à éprouver de la foi ? Bhagavat leur répondit comme il suit : Jadis, ô Religieux, dans ce Bhadra Kalpa[2] même où nous sommes, quand la durée de la vie des créatures était de vingt mille ans, parut au monde un Tathâgata vénérable, parfaitement et complètement Buddha, nommé Kâçyapa, et doué des qualités énumérées plus haut[3]. Ce bienheureux enseignait ainsi la loi à ses Auditeurs : Les déserts, ô Religieux, les maisons abandonnées, les fentes des rochers, les cavernes des montagnes, les toits de chaume, les lieux découverts, les cimetières, les retraites des forêts, les flancs des montagnes, les lits et les siéges, ce sont là les endroits où vous devez vous livrer à la contemplation. Ne soyez pas inattentifs, ne vous préparez pas des sujets de repentir ; c’est là l’instruction que je vous donne. En conséquence quelques-uns des Religieux se retirèrent dans une vallée du Sumêru pour y méditer ; d’autres se fixèrent auprès de l’étang de la Mandâkinî, ceux-ci auprès du grand lac Anavatapta, ceux-là dans les sept montagnes d’or ; d’autres enfin se fixèrent dans des villages, des bourgs, des royaumes, des capitales, et s’y livrèrent à la méditation.

Il arriva qu’un Nâga kumâra qui était au monde depuis longtemps fut transporté par Suparnin, le roi des oiseaux, au-dessus de la vallée du Sumêru [habitée par les Religieux]. Le Nâga vit les Religieux livrés à la contemplation, occupés à lire et à méditer ; et les ayant vus, il sentit naître en lui des sentiments de bienveillance pour ces Religieux. Plein de ces sentiments, il se livra à ces réflexions : Ces Âryas sont affranchis de la condition misérable où je me trouve. Le Nâga ayant fait son temps, quitta le monde où il vivait, et reprit une nouvelle existence dans une famille de Brâhmanes qui était exacte à l’accom-

  1. Cette partie de la légende de Sam̃gha rakchita est séparée de la fin qu’on va lire plus bas par la légende très-courte du Nâga kumâra. Je n’ai pas cru devoir supprimer cette dernière, parce qu’elle explique à la manière des Buddhistes comment Bhadra mukha, l’un des Nâgas auxquels Sam̃gha rakchita enseignait la doctrine, put sitôt y avoir foi. D’après la division actuelle du Divya avadâna, le morceau qui commence ainsi : « Les Religieux sentant des doutes, etc., » est intitulé : « Légende du Nâga kumâra, ou du prince Nâga. »
  2. Le Bhadra Kalpa est le Kalpa, ou la période de création dans laquelle nous vivons. Le nom de cette période signifie « le Kalpa vertueux, » parce que pendant cet âge du monde, il doit paraître sur la terre mille Buddhas. (Klaproth, dans le Foe koue ki, p. 245.)
  3. Voyez la fin de la légende de Pûrṇa, ci-dessus, p. 243.