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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


les compositions indiennes, telles que les Purâṇas, où la morale joue un rôle considérable. Car sans rappeler que ce serait faire un anachronisme, ou tout au moins susciter une question historique fort obscure, que d’introduire les Purâṇas dans une comparaison du Buddhisme avec le Brâhmanisme, on peut dire que la morale des Purâṇas est trop engagée dans les pratiques extérieures que ces livres commandent, pour être mise au niveau de celle du Buddhisme, qui par son principe de charité universelle a conquis le premier rang parmi les anciennes religions de l’Asie.

Ces considérations ne sont pas aussi étrangères qu’on le pourrait croire au sujet qui nous occupe dans la présente section. Outre qu’en signalant le Buddhisme comme une doctrine essentiellement morale, elles appellent l’attention des philosophes sur un des caractères qui le distinguent le plus nettement du Brâhmanisme, elles ont un rapport direct et une connexion intime avec la matière de la Discipline. Qu’est-ce en effet que la Discipline pour un corps de Religieux, si ce n’est l’ensemble des prescriptions qui assurent et régularisent la pratique des devoirs ? Et si ces devoirs sont en grande partie de ceux que la morale impose, c’est-à-dire de ceux auxquels la conscience humaine reconnaît un caractère obligatoire, la Discipline ne devient-elle pas en quelque sorte la forme de la morale dont elle exprime les arrêts ? Cela est d’autant plus vrai, que les systèmes religieux accordent une part plus considérable à la morale et une moindre au dogme. Dans de tels systèmes, la discipline grandit avec la théorie des devoirs dont elle est la sauvegarde, en même temps que le culte décroît avec le dogme dont il exprime les conceptions sous une forme extérieure. Je n’ai pas à développer ici le côté général de ces remarques ; mais il importait de les indiquer en passant, pour dire qu’elles s’appliquent avec une entière rigueur au Buddhisme. Il y a peu de croyances en effet qui reposent sur un aussi petit nombre de dogmes, et même qui imposent au sens commun moins de sacrifices. Je parle ici en particulier du Buddhisme qui me paraît être le plus ancien, du Buddhisme humain, si j’ose ainsi l’appeler, qui est presque tout entier dans des règles très-simples de morale, et où il suffit de croire que le Buddha fut un homme qui parvint à un degré d’intelligence et de vertu que chacun doit se proposer comme l’exemple de sa vie. Je le distingue à dessein de cet autre Buddhisme, des Buddhas et des Bôdhisattvas de la contemplation, et surtout de celui d’Âdibuddha, où les inventions théologiques rivalisent avec ce que le Brahmanisme moderne a conçu de plus compliqué. Dans ce second âge du Buddhisme, le dogme se développe, et la morale, sans disparaître entièrement, n’est plus le principal objet de la religion. La Discipline perd en même temps de sa force, comme au Népâl, pour ne citer qu’un exemple, où il s’est formé une