Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/362

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
320
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

bhadra eut pour fils Muṇḍa ; Muṇḍa eut pour fils Kâkavarṇin ; Kâkavarṇin eut pour fils Sahâlin[1] ; Sahâlin eut pour fils Tulakutchi ; Tulakutchi eut pour fils Mahâmaṇḍala ; Mahâmaṇḍala eut pour fils Prasênadjit ; Prasênadjit eut pour fils Nanda ; Nanda eut pour fils Bindusâra. Le roi Bindusâra régna dans la ville de Pâṭaliputtra ; il eut un fils auquel on donna le nom de Susîma[2].

Or en ce temps-là il y avait dans la ville de Tchampâ un Brâhmane auquel il était né une fille charmante, belle, agréable, qui était le bonheur du pays. Des astrologues firent cette prédiction [au moment de sa naissance] : Cette fille aura pour époux un roi, et elle mettra au monde deux joyaux de fils : l’un sera un roi Tchakravartin, maître des quatre parties de la terre ; l’autre, après avoir embrassé la vie religieuse, verra ses bonnes œuvres réussir.

Le Brâhmane ayant entendu cette prédiction, fut transporté d’une joie extrême, car l’homme aime toujours la prospérité. Ayant emmené avec lui sa fille, il se rendit à Pâṭaliputtra. Là, après l’avoir ornée de toutes sortes de parures, il la donna au roi Bindusâra pour qu’il en fît sa femme : Voilà, ô roi, une fille fortunée, parfaite. Enfin elle fut placée par le roi Bindusâra dans ses appartements intérieurs. Les femmes du roi firent alors cette réflexion : Voilà une femme agréable, charmante, qui est le bonheur du pays ; si le roi vient à avoir commerce avec elle, il ne nous accordera plus même un regard. Elles commencèrent donc à lui apprendre le métier de barbier ; et la fille du brâhmane se mit en devoir d’arranger les cheveux et la barbe du roi, tellement qu’elle y devint très-habile. Or chaque fois qu’elle commençait à remplir son office auprès du roi, ce dernier se couchait. Un jour le roi, qui était content d’elle, lui offrit de lui accorder la grâce qu’elle désirerait, et lui demanda : Quelle faveur veux-tu ? Seigneur, reprit la jeune fille, que le roi consente à s’unir avec moi. Tu es de la caste des barbiers, lui dit Bindusâra, et moi je suis de la race des Kchattriyas qui ai reçu l’onction royale ; comment est-il possible que tu aies commerce avec moi ? Je ne suis pas de la caste des barbiers, reprit-elle, je suis la fille d’un Brâhmane qui m’a donnée au roi pour qu’il fit de moi

  1. Nos manuscrits lisent la première fois Sapâlin.
  2. Je comparerai plus tard celle liste avec les documents historiques conservés dans les livres pâlis de Ceylan, dont le résumé a été donné par M. Turnour dans la préface de son Mahâvam̃sa, et discuté d’une manière approfondie dans le Journal de Prinsep. (Journ. Asiat. Soc. of Bengal, t. VI, p. 714.) On peut dès à présent se faire une idée des divergences qui existent entre les diverses autorités indiennes sur ce point d’histoire important, en comparant avec le passage de notre texte la liste du Mongol Ssanang Setzen, examinée par Klaproth (Foe koue ki, p. 230), et les tables brâhmaniques de Wilford. (Asiat. Res., t. V, p. 286.)