Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/402

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
360
INTRODUCTION À L’HISTOIRE


« Qu’ils sont purs les beaux yeux de cet enfant, ces yeux qui ressemblent à un lotus bleu bien épanoui ! Son visage paré de beauté brille semblable au disque de la pleine lune.

Le roi dit ensuite à ses ministres : Voyez-vous, seigneurs, aux yeux de qui ressemblent les yeux de cet enfant ? Nous ne connaissons pas d’homme, reprirent les ministres, qui ait des yeux pareils ; mais il y a dans l’Himavat, ce roi [des montagnes], un oiseau nommé Kunâla, aux yeux duquel ressemblent les yeux de ton fils. C’est ce qu’exprime cette stance :

Sur le sommet d’un des pics du mont, roi des neiges, qui est riche en buissons, en fleurs et en eaux, habite un oiseau qui se nomme Kunâla ; les yeux de ton fils ressemblent à ceux de cet oiseau.

Qu’on apporte un Kunâla, s’écria le roi. Or, les Yakchas entendaient les ordres qu’il donnait à la distance d’un Yôdjana dans le ciel, et les Nâgas les entendaient à la distance d’un Yôdjana sur la terre. Aussi les Yakchas lui amenèrent-ils un Kunâla dans l’instant même. Le roi, après avoir longtemps examiné les yeux de l’oiseau, ne put découvrir aucune différence entre ses yeux et ceux de son fils. C’est pourquoi il dit à ses ministres : Le prince a les yeux semblables à ceux d’un Kunâla ; qu’on lui donne donc le nom de Kunâla. C’est ce qu’exprime cette stance :

Frappé du charme de ses yeux, le roi de la terre s’écria : Mon fils doit s’appeler Kunâla. C’est ainsi que le nom de ce prince, qui avait les vertus d’un Ârya, fut célèbre sur la terre.

Quand le prince fut devenu grand, on lui donna pour femme une jeune fille nommée Kâñtchana mâla. Un jour, le roi se rendit avec son fils à l’ermitage de Kukkuṭa. En ce moment, Yaças le Sthavira de l’Assemblée, qui possédait les cinq connaissances surnaturelles, vit que Kunâla ne devait pas être longtemps sans perdre les yeux, et il le fit connaître au roi. Pourquoi ? [reprit Açôka.] — C’est que Kunâla ne remplit pas ses devoirs. Kunâla, lui dit le roi, aie bien soin d’exécuter ce que te commandera le Sthavira de l’Assemblée. Aussitôt, se jetant aux pieds du Sthavira, Kunâla lui dit : Seigneur, que me commandes-tu ? — Persuade-toi bien, ô Kunâla, que l’œil est quelque chose de périssable. Et il ajouta cette stance :

Réfléchis constamment, ô prince, que l’œil est de sa nature périssable, qu’il est la source de mille maux ; pour s’y trop attacher, beaucoup d’hommes ordinaires commettent des actions qui font leur malheur.

Kunâla se mit à réfléchir sur cette maxime, et il l’avait sans cesse présente à l’esprit. Il n’aimait plus que la solitude et le repos. Assis au fond du palais, dans un endroit solitaire, il se représentait comme périssables l’œil et les autres sens.