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INTRODUCTION À L’HISTOIRE


extrême ; je contemple aujourd’hui ces yeux dont l’éclat est si pur, qui répandent le bonheur, ces yeux destinés à périr.

Cette ville, heureuse comme le Ciel même, est comblée de joie, parce qu’elle voit le prince ; mais quand il aura perdu les yeux, tous les cœurs de la ville seront plongés dans le chagrin.

Le jeune prince arriva bientôt dans le voisinage de Takchaçilâ. À la nouvelle de son approche, les habitants ayant orné la ville et la grande route jusqu’à la distance de deux Yôdjanas et demi, sortirent à sa rencontre avec des vases [pleins d’offrandes]. C’est ce qu’exprime cette stance :

À cette nouvelle les habitants de Takchaçilâ, portant entre leurs mains des vases pleins de pierreries, sortirent par respect au-devant du fils du roi.

Quand ils furent arrivés en sa présence, ils lui dirent les mains réunies en signe de respect : Nous ne sommes pas révoltés contre le prince et contre le roi Açôka ; ce sont de mauvais ministres qui sont venus nous combler d’outrages. Kunâla entra donc en grande pompe dans la ville de Takchaçilâ.

Cependant, le roi Açôka fut atteint d’une maladie terrible. Ses excréments lui sortaient par la bouche ; une humeur impure s’échappait de tous ses pores, et rien ne pouvait le guérir. Il dit alors : Qu’on fasse venir Kunâla, je veux le placer sur le trône. »

[Ici, la légende raconte comment Tichya rakchitâ guérit le roi et s’empara de son esprit. Je crois inutile de reproduire ici ce passage que j’ai traduit plus haut, sect. II, p. 133, et je prie le lecteur de vouloir bien s’y reporter, s’il veut connaître la suite du récit.]

Quand le roi fut guéri, il demanda plein de joie à Tichya rakchitâ quelle faveur elle désirait : Quel présent te ferai-je ? lui dit-il. Que le roi, répondit-elle, m’accorde la royauté pour sept jours. — Et moi, que deviendrai-je ? Au bout des sept jours, dit la reine, le roi reprendra la puissance royale. Açôka céda donc la royauté pour sept jours à Tichya rakchitâ. La première chose à laquelle la reine pensa fut de satisfaire sa haine contre Kunâla. Elle écrivit [au nom du roi] une lettre fausse qui ordonnait aux habitants de Takchaçilâ d’arracher les yeux à Kunâla. Et elle ajouta cette stance :

Car Açôka, ce roi fort et violent, a ordonné aux habitants de Takchaçilâ d’arracher les yeux à cet ennemi ; c’est la honte de la race des Mâuryas.

Lorsque le roi Açôka donnait un ordre qui devait être exécuté promptement, il le scellait avec un sceau d’ivoire. Tichya rakchitâ se dit : Je scellerai cette lettre avec le sceau d’ivoire, pendant que le roi est endormi ; et elle se ren-