Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
372
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

considération de mon affection pour lui, je lui accorde la royauté pendant ces sept jours.

Aussitôt on entendit retentir des centaines d’instruments ; on salua le prince des cris de Vive le roi ! des milliers de gens réunirent devant lui leurs mains en signe de respect, et des centaines de femmes l’entourèrent. Mais les exécuteurs ne quittaient pas la porte du palais. À la fin du premier jour, ils se présentèrent à Vîtâçôka et lui dirent : Voici un jour de passé, Vîtâçôka ; il ne te reste plus que six jours. Ils en firent autant le second jour et les jours suivants ; enfin le septième, Vîtâçôka paré des ornements royaux fut conduit en présence d’Açôki, qui lui dit : Vîtâçôka, comment as-tu trouvé les chants, les danses et le concert des instruments ? Je n’ai rien vu, ni rien entendu, répondit Vîtâçôka ; et il prononça cette stance :

Je n’ai pas écouté les chants, je n’ai pas regardé les danses des femmes : comment celui qui n’a goûté aucun de ces plaisirs pourrait-il t’en donner son avis ?

Vîtâçôka, reprit le roi, je t’ai accordé la royauté pour sept jours ; on a fait retentir pour toi des centaines d’instruments ; on t’a salué des cris de Vive le roi ! la foule t’a honoré en tenant ses mains réunies en signe de respect devant toi ; tu as été servi par des centaines de femmes ; comment donc peux-tu dire : Je n’ai rien vu, ni rien entendu ?

Non, répondit Vîtâçôka, je n’ai ni vu les danses, ni entendu le bruit des chants ; je n’ai ni senti les odeurs, ni goûté les saveurs ; je n’ai pas perçu le contact de l’or, des joyaux, des colliers, ou des corps que je touchais ; la foule des femmes n’a pu charmer un malheureux condamné à mort.

Femmes, danses, chants, palais, lits, siéges, jeunesse, beauté, fortune, tout cela, et même la terre avec ses joyaux variés, a été sans charmes et vide pour moi, pendant que je voyais tranquillement assis sur leurs siéges à ma porte les exécuteurs avec leurs vêtements bleus.

En entendant le son de la cloche de l’exécuteur au vêtement bleu, j’ai ressenti, ô chef des rois, les redoutables terreurs de la mort.

Entouré des aiguillons de la crainte, je n’ai pas entendu les voix ravissantes, je n’ai pas vu les danses, et je n’ai pas désiré prendre d’aliments.

Saisi par la fièvre de la mort, je n’ai plus connu le sommeil ; j’ai passé les nuits entières à songer à la mort.

Eh quoi ! reprit Açôka, si la crainte d’une mort qui ne devait t’enlever qu’une seule vie a pu t’empêcher de jouir du bonheur d’être roi, de quel œil crois-tu que les Religieux, effrayés à la pensée de la mort qui doit terminer des centaines d’existences, envisagent tous les lieux où l’on peut renaître, et les