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DU BUDDHISME INDIEN.

les actions qu’il avait faites dans ses existences antérieures. Jadis, ô Religieux, dans un temps depuis longtemps passé, vivait un chasseur qui soutenait son existence en tuant des antilopes. Il se trouvait dans la forêt un puits auprès duquel le chasseur tendait ses filets et ses piéges, et c’est là qu’il tuait l’antilope. Lorsqu’il n’y a pas de Buddha dans le monde, il y naît des Pratyêka Buddhas. Or un certain Pratyêka Buddha s’étant retiré dans ce puits pour y faire son repas, en sortit et alla s’asseoir les jambes croisées auprès d’un arbre. Averties de sa présence par l’odeur qu’il y avait laissée, les antilopes ne vinrent pas au puits. Le chasseur s’y étant rendu de son côté, reconnut que le gibier n’avait pas paru comme à l’ordinaire ; et de proche en proche il parvint à l’endroit où était assis le Pratyêka Buddha. En le voyant, cette idée lui vint à l’esprit : Voilà celui qui a fait manquer ma chasse ; et tirant son glaive du fourreau, il mit à mort le Pratyêka Buddha.

Comment comprenez-vous cela, respectables personnages ? Ce chasseur, c’était Vîtâçôka lui-même. Comme il avait tué autrefois des antilopes, il a été atteint, par l’effet de cette action, d’une grande maladie. Parce qu’il avait tué le Pratyêka Buddha avec son glaive, il a éprouvé, par l’effet de cette action, les douleurs de l’Enfer pendant plusieurs milliers d’années, et il est né de nouveau parmi les hommes pendant cinq cents ans, voyant toujours sa vie tranchée par le glaive ; enfin c’est pour expier le reste de cette action qu’aujourd’hui, quoique parvenu au rang d’Arhat, il a péri par le glaive. — Mais quelle action avait-il commise pour renaître dans une famille illustre et pour obtenir le rang d’Arhat ? Le Sthavira répondit : Il y eut sous Kâçyapa le Buddha parfaitement accompli un certain Pradâna rutchi qui entra dans la vie religieuse. Grâce à lui, de généreux donateurs employèrent leur libéralités à nourrir l’Assemblée des Religieux, en lui donnant d’agréables boissons de gruau, ou en l’invitant dans leurs maisons. Grâce à lui, on dressa des parasols au-dessus des Stûpas ; on les honora, en leur offrant des drapeaux, des étendards, des parfums, des guirlandes, des fleurs, et en exécutant des concerts. C’est en récompense de cette action qu’il est né dans une famille élevée. Enfin, après avoir rempli les devoirs de la vie religieuse pendant dix mille ans, il a exprimé un vertueux souhait, et c’est par suite de ce souhait qu’il est parvenu à la dignité d’Arhat[1].

Lorsque le roi Açôka eut, par l’offrande de la moitié d’un Âmalaka[2], témoigné de sa foi pour la Loi de Bhagavat[3], il parla ainsi aux Religieux :

  1. Cette partie de la légende porte, dans nos deux manuscrits, le titre de Vîtâçôka avadâna ou « Légende de Vîtâçôka. »
  2. C’est le fruit du phyllanthus emblica, ou du myrobolan.
  3. Il y a dans le début de ce morceau, qui termine la légende d’Açôka, une confusion qu’il