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DU BUDDHISME INDIEN.

est révérée des hommes et des Dieux ; je ne pourrai plus l’honorer en lui offrant des aliments et des boissons excellentes ; et cette pensée fait couler mes larmes.

Et puis, Râdhagupta, mon intention était de donner cent Kôṭis pour la Loi de Bhagavat, et je n’ai pas mis mon projet à exécution. Ayant ainsi parlé, il se dit : Je vais réunir encore quatre Kôṭis pour compléter mes aumônes ; et dès ce moment il se mit à envoyer de l’or et de l’argent à l’ermitage de Kukkuṭa ârâma.

En ce temps-là, c’était Sam̃padî le fils de Kunâla qui était le Yuvarâdja ou l’héritier présomptif. Les ministres lui dirent : Prince, le roi Açôka n’a plus longtemps à vivre, et il envoie tous ses trésors à Kukkuṭa ârâma : or il y a d’autres souverains qui ont de grandes richesses, nous devons donc empêcher le roi de se ruiner. En conséquence le jeune prince défendit au trésorier [de donner de l’argent au roi]. On avait l’habitude de lui présenter à manger dans des vases d’or ; Açôka ayant pris son repas, se mit à envoyer ces vases à Kukkuṭa ârâma. Alors on défendit de lui présenter des vases de ce métal, et dès ce moment sa nourriture lui fut apportée dans des vases d’argent ; mais le roi les envoya de même à Kukkuṭa ârâma. Les vases d’argent furent supprimés à leur tour, et remplacés par des vases de fer ; mais le roi continua de les envoyer comme les autres à l’ermitage. Enfin il fallut lui présenter ses aliments dans des vases d’argile. Alors Açôka tenant dans sa main la moitié d’un fruit d’Âmalaka, convoqua ses ministres avec les habitants, et leur dit plein de tristesse : Qui donc est maintenant roi de ce pays ? Les ministres se levant aussitôt de leurs sièges, et dirigeant vers Açôka leurs mains réunies en signe de respect, lui dirent : C’est toi, seigneur, qui es roi de ce pays. Mais Açôka, les yeux obscurcis par un nuage de larmes, dit à ses ministres : Pourquoi donc dites-vous par bonté ce qui n’est pas vrai ? Je suis déchu de la royauté ; il ne me reste plus que cette moitié de fruit de laquelle je puisse disposer en souverain.

Honte à une puissance misérable qui ressemble au mouvement des eaux d’un fleuve gonflé, puisque malgré l’empire que j’exerce sur les hommes, la misère redoutable m’a également atteint !

Mais qui pourrait se flatter de faire mentir ces paroles de Bhagavat : Toutes les félicités ont pour terme l’infortune ? ce n’est pas en effet un langage trompeur que celui de Gâutama qui ne ment jamais[1].

  1. Je passe ici une stance qui est absolument inintelligible et à peine lisible dans nos deux manuscrits ; il en manque même la moitié dans la copie du Divya avadâna que je possède. Cette stance renferme certainement une de ces sentences morales sur la vanité de la puissance humaine, que les légendes du Nord expriment ordinairement en un style assez plat et assez vul-