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DU BUDDHISME INDIEN.

venable de s’affliger. Et quel est l’homme ayant du cœur qui ne s’affligerait pas aujourd’hui ?

Açôka, le héros des Mâuryas, ce monarque modèle de générosité, après avoir été le souverain unique du Djambudvîpa, ne possède plus que la moitié d’un Âmalaka !

Aujourd’hui privé de sa puissance par ses sujets, il donne cette moitié de fruit, manifestant ainsi sa pensée aux hommes ordinaires qu’enfle d’orgueil l’ivresse des jouissances et de la félicité.

Ensuite on pila cette moitié de fruit, et on la réduisit en une masse, que l’on fit circuler dans l’Assemblée.

Cependant le roi Açôka dit à Râdhagupta : Dis-moi, cher Râdhagupta, quel est maintenant le souverain du pays. Alors Râdhagupta se jetant aux pieds d’Açôka, lui dit les mains réunies en signe de respect : Seigneur, c’est toi qui es le souverain du pays. À ces mots Açôka se soulevant un peu, et promenant ses regards sur les quatre parties de l’horizon, s’écria en dirigeant ses mains réunies avec respect du côté de l’Assemblée : Aujourd’hui je donne à l’Assemblée des Auditeurs de Bhagavat la totalité de la grande terre, jusqu’aux rivages de l’Océan, à l’exception toutefois de mon trésor. Et il prononça ces stances :

Cette terre que l’Océan enveloppe comme d’un beau vêtement de saphir, dont la face est en quelque sorte ornée par des mines de joyaux divers, cette terre qui supporte les créatures et le mont Mandara, je la donne à l’Assemblée ; puissé-je recueillir le fruit de cette action !

Je ne désire pour prix de cette bonne œuvre ni la possession du palais d’Indra, ni celle du monde de Brahmâ ; à plus forte raison ne désiré-je pas le bonheur de la royauté qui s’échappe plus vite que l’eau qui coule.

Ce que je souhaite pour prix de la foi parfaite avec laquelle je fais cette donation, c’est d’exercer sur moi-même cet empire si digne de respect, qu’honorent les Âryas, et qui est un bien à l’abri du changement.

Après avoir fait écrire cette donation, il la remit [à son ministre] et la fit sceller de son sceau. Le roi n’eut pas plutôt donné la terre à l’Assemblée, qu’il subit la loi du temps. Les ministres ayant transporté son corps dans une litière parée d’étoffes bleues et jaunes, lui rendirent les derniers devoirs et s’occupèrent de lui donner un successeur. Mais Râdhagupta leur dit : Açôka, le roi, a donné la grande terre à l’Assemblée. Pourquoi a-t-il fait cette donation ? reprirent les ministres. C’était son désir, répondit Râdhagupta ; le roi disait qu’il voulait donner cent Kôṭis pour la Loi de Bhagavat. Il porta ses libéralités jusqu’à la somme de quatre-vingt-seize Kôṭis, mais l’héritier présomptif l’empêcha de con-