Page:Burnouf - Introduction à l’histoire du bouddhisme indien.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
INTRODUCTION À L’HISTOIRE

tinuer. Alors le roi fit don à l’Assemblée de la grande terre. En conséquence les ministres payèrent à l’Assemblée quatre Kôṭis, rachetèrent d’elle la possession de la terre, et placèrent sur le trône Sam̃padî. À Sam̃padî succéda Vrĭhaspati son fils ; à Vrĭhaspati, Vrĭchasêna ; à Vrĭchasêna, Puchyadharman ; à Puchyadharman Puchpamitra. Ce dernier appela un jour ses ministres et leur dit : Quel moyen aurais-je de perpétuer longtemps la mémoire de mon nom ? Les ministres lui répondirent : Seigneur, il y a eu dans ta famille un roi nommé Açôka, qui a établi quatre-vingt-quatre mille édits de la Loi ; sa gloire vivra autant de temps que subsistera la Loi de Bhagavat. Tu peux donc, à son exemple, établir quatre-vingt-quatre mille édits de la Loi. Le roi Açôka fut grand et fortuné, reprit le roi ; je désire trouver un autre moyen de me rendre célèbre.

Le roi avait pour prêtre domestique un Brâhmane, qui était un homme ordinaire et qui n’avait pas foi au Buddha. Ce Brâhmane dit au roi : Seigneur, il y a deux moyens de faire durer ton nom. Puchpamitra ayant alors équipé une armée formée de quatre corps de troupes, partit pour Kukkuṭa ârâma avec le projet de détruire la Loi de Bhagavat. Arrivé à la porte de l’ermitage, il entendit le rugissement du lion[1]. Épouvanté, le roi rentra dans Pâṭaliputtra. Une seconde fois, une troisième fois, il fut ainsi repoussé. Enfin il convoqua l’Assemblée des Religieux et leur dit : Je veux anéantir la Loi de Bhagavat : qu’est-ce que vous préférez que je détruise, le Stûpa ou l’ermitage où réside l’Assemblée ? Les Religieux préférèrent d’abandonner au roi l’ermitage. Puchpamitra le renversa donc de fond en comble et massacra les Religieux qui l’habitaient. De là il se rendit à Çâkala[2], et y fit cette déclaration : Celui qui m’apportera la tête d’un Çramana recevra de moi cent Dînâras. Or un Religieux offrit sa tête pour sauver les édits de la Loi et la vie des Arhats[3]. Le roi l’ayant appris, fit massacrer les Arhats de la contrée. Mais il rencontra de l’opposition, et ne poussa pas plus loin son entreprise destructrice.

Quittant donc ce pays, il se rendit à Kôchṭhaka[4]. Le Yakcha Dam̃chmṭrâ

  1. Cette expression doit être prise au figuré : dans les anciens Sûtras comme dans les modernes, « le rugissement du lion » désigne la prédication de la loi, considérée comme victorieuse et mettant en fuite ses adversaires. Cette figure est probablement une application du nom de Çâkya sim̃ha qu’on donne à Çâkyamuni ; en effet, une fois le sage appelé « le lion des Çâkyas, » il est naturel que sa parole se nomme « le rugissement du lion. » Le lion joue d’ailleurs un autre rôle encore dans le Buddhisme ; et les colonnes surmontées d’un lion couché, que l’on trouve debout ou renversées dans le nord de l’Inde, sont une allusion manifeste au nom de « lion des Çâkyas. »
  2. Voyez sur ce nom une note à la fin de ce volume, Appendice, n° VI.
  3. Le texte est ici fort altéré ; j’interprète cette phrase d’après l’ensemble du récit.
  4. Je ne trouve rien dans nos légendes qui me permette de déterminer la position de ce lieu. Mais si on en rapproche le nom du Yakcha qui, d’après le texte, semblait y faire sa résidence