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INTRODUCTION À L’HISTOIRE

quoi cela ? C’est que les conditions, ô Çâriputtra, n’existent pas telles que le croient, en s’y attachant, les hommes ordinaires et ignorants qui ne sont pas instruits. Çâriputtra dit : Comment donc existent-elles, ô Bhagavat ? Elles existent, ô Çâriputtra, reprit Bhagavat, de telle manière qu’elles n’existent réellement pas. Et comme elles n’existent pas, à cause de cela on les appelle Avidyâ, c’est-à-dire ce qui n’existe pas, ou l’ignorance. C’est à cela que s’attachent les hommes ordinaires et ignorants qui ne sont pas instruits. Ils se représentent comme existantes toutes les conditions dont aucune n’existe. Quand ils se les sont représentées ainsi, alors enchaînés à deux limites, ils ne connaissent pas, ils ne voient pas les conditions. C’est pourquoi ils se représentent comme existantes toutes les conditions dont aucune n’existe. Quand ils se les sont représentées ainsi, ils s’attachent à deux limites. Une fois attachés ainsi, et ayant conçu l’idée de l’enchaînement des causes et des effets, ils se représentent des conditions passées, des conditions futures et des conditions présentes. Après qu’ils se les sont représentées ainsi, ils s’attachent au nom et à la forme. C’est comme cela qu’ils se représentent toutes les conditions dont aucune n’existe. Se représentant comme existantes toutes les conditions dont aucune n’existe, ils ne connaissent pas, ils ne voient pas le vrai chemin. Ne connaissant pas, ne voyant pas le vrai chemin, ils ne sortent pas de la réunion des trois mondes ; ils ne connaissent pas le vrai but ; aussi vont-ils au nombre de ceux qu’on nomme ignorants ; ils ne croient pas à la vraie loi. C’est pourquoi, Çâriputtra, les Bôdhisattvas ne s’attachent à aucune condition.

Cela dit, Çâriputtra parla ainsi à Bhagavat : Le Bôdhisattva qui apprend ainsi, ô Bhagavat, apprend-il l’omniscience ? Bhagavat dit : Le Bôdhisattva, ô Çâriputtra, qui apprend ainsi apprend l’omniscience elle-même. Le Bôdhisattva, ô Çâriputtra, qui apprend ainsi apprend toutes les conditions. Le Bôdhisattva, ô Çâriputtra, qui apprend ainsi apprend l’omniscience, s’approche de l’omniscience, doit parvenir à l’omniscience.

Alors Subhûti parla ainsi à Bhagavat : Si quelqu’un, ô Bhagavat, fait la question suivante : Est-ce qu’un homme produit d’une illusion magique apprendra l’omniscience, s’approchera de l’omniscience, parviendra à l’omniscience ? de quelle manière, ô Bhagavat, faudra-t-il répondre à cette question ? Cela dit, Bhagavat parla ainsi à Subhûti : Je t’interroge toi-même là-dessus, ô Subhûti ; explique la chose comme tu pourras. Bien, Bhagavat, répondit Subhûti, qui se mit à écouter, et Bhagavat parla ainsi : Que te semble de ceci, ô Subhûti ? L’illusion est-elle une chose, et la forme une autre chose ? L’illusion est-elle une chose, et la sensation une autre ; l’idée une autre, les concepts une autre, la connaissance une autre ? Subhûti répondit : Non, Bhagavat ; non, l’illusion n’est