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On voit par l’évangile de saint Mathieu, par la réaction paulinienne et par le témoignage des homélies qui, sous le nom de Clémentines, retracent la doctrine des apôtres, que la première doctrine était celle de Pierre et des judaïsants. C’est au temps de saint Paul que la seconde se manifesta. On en trouve le premier symptôme dans l’épître aux Hébreux, vulgairement attribuée à Paul, mais écrite sans doute par Apollos aux Juifs chrétiens d’Alexandrie. Dans cette ville régnait une liberté de pensée qui altérait aisément le canon des Écritures et introduisait souvent dans la doctrine de Jésus des interprétations individuelles. Nous ne connaissons presque rien de la primitive église d’Alexandrie, si ce n’est qu’elle contribua pour une part considérable aux accroissements du christianisme et au progrès de ses dogmes. Apollos ne rompt pas seulement de la façon la plus nette avec la loi mosaïque, mais évoquant la doctrine indo-perse des incarnations, il soutient que le Christ n’a rien d’humain, qu’il est simplement le fils de Dieu apparu sous des formes humaines. Il reproche à saint Paul de ne pas dire tout le secret, et d’en garder pour lui-même la partie la plus importante. C’est donc dans cette épître aux Hébreux que se trouvent les premières formules de la doctrine nommée plus tard docétisme, d’un mot grec qui signifie sembler, parce que le corps du Christ n’avait, selon elle, qu’un semblant de réalité. Elle se produisait ainsi en pleine période apostolique.

L’épître faussement attribuée à Barnabé marque la seconde étape du docétisme ; elle est postérieure à l’épître aux Hébreux, antérieure à l’évangile de Jean. L’auteur appartenait à l’église d’Alexandrie ; il regardait, ainsi qu’Apollos, le christianisme comme une nouveauté sans racines dans le judaïsme, niait que Jésus fût un fils de David, et ne reconnaissait point son humanité.