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les philosophes : leur biographie, telle que Diogène de Laërte nous la fait connaître, prouve qu’une partie notable de la philosophie grecque, la morale surtout, venait de l’Orient, où les savants allaient la chercher. Quant à la religion, elle demeurait une institution publique à laquelle beaucoup de pratiques individuelles s’ajoutaient ; mais elle n’avait de valeur réelle que par le symbolisme mythologique qui en était le fond.

Quand le christianisme pénétra dans le monde occidental, il fut le premier à y prêcher la morale au nom de la religion et à faire de la règle de vie une portion du dogme. Ce que les chrétiens d’alors reprochaient à la religion payenne, c’était non seulement d’être étrangère à la morale, mais souvent même de lui être contraire en offrant aux hommes l’exemple du vice : ils affectaient de ne pas voir le côté symbolique de ces prétendus exemples, et ils dénonçaient la fable comme une école d’immoralité. L’enseignement verbal ou écrit des philosophes ne pouvait sortir d’un cercle borné d’hommes instruits et passait en quelque sorte par dessus le peuple. Le christianisme n’eut donc pas d’antécédents moraux chez les peuples de l’Occident. C’est une tentative stérile, et qui n’a rien de scientifique, de vouloir montrer que toute la morale chrétienne se trouvait dans les écrits des philosophes grecs ou latins antérieurs à Jésus, Cela n’a rien de surprenant ; et je né vois pas même pourquoi l’on n’admettrait point avec saint Jérôme que les moralistes chrétiens ont dès l’origine puisé dans les dissertations des philosophes[1].

  1. « Les gens qui m’attaquent ne lisent pas plus la Bible qu’ils n’ont lu Cicéron. Ils auraient trouvé dans Moïse et les Prophètes plus d’une chose empruntée aux livres des gentils. Et qui peut donc ignorer que Salomon proposait des questions aux philosophes de Tyr et répondait aux leurs ? L’apôtre Paul lui-même n’a-t-il pas cité dans son Épitre à Titus un vers d’Epiménide sur les menteurs ? Et que dirai-je des docteurs de l’Eglise ? ils sont tous nourris des anciens qu’ils réfutaient. » (Saint-Jérôme, Lettre à Magnus.)