Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/142

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tant peu à peu répandues, éloignèrent par degrés les hommes du polythéisme et en préparèrent la ruine. Il fallut plusieurs siècles pour qu’elle fût consommée. Elle le fut enfin. Voici comment.

La somme des idées individuelles constitue la croyance d’un peuple. Ces idées sont elles-mêmes produites par les actions complexes et minimes de mille causes variées. Quand la somme des idées nouvelles surpasse celle qui constituait la croyance publique, l’équilibre se rompt ; celle-ci cède la place et peu à peu disparaît. Il ne faut pas croire que le paganisme ait été promptement remplacé par la religion du Christ. Celle-ci était déjà montée sur le trône impérial depuis plus de deux cents ans, que l’on sacrifiait encore aux dieux dans plusieurs temples de la Grèce ; nous-même avons constaté dans ce pays que beaucoup de saints ou de personnages chrétiens n’ont succédé aux dieux d’autrefois que parce qu’ils portaient des noms pareils aux leurs, ou pouvaient être l’objet de cultes analogues. Saint Hélie a succédé à Hélios, le soleil ; saint Démétrius à Déméter ou Cérès ; la Sainte-Vierge à la vierge Minerve, qui fut l’Aurore, et ainsi de beaucoup d’autres. Des traces nombreuses des anciens cultes existent encore au sein du christianisme, qui n’a jamais pu les effacer entièrement. Tous les faits recueillis dans ces dernières années, soit en Allemagne, soit en France ou ailleurs, prouvent que les religions ne font pas table rase quand elles se succèdent l’une à l’autre, mais qu’elle se pénètrent en quelque sorte, comme les deux formes successives d’un insecte qui se métamorphose, la forme nouvelle se substituant par degrés à l’ancienne et ne s’en débarrassant tout à fait qu’avec le temps.

Ces lois générales ont pour conséquence que plus une religion est moderne et universelle, plus sont nombreux les éléments qu’elle a réunis et qu’elle renferme dans