Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/160

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organisés. Si la notion mystérieuse qui se cache sous les formules sacrées est négligée, ni l’archéologie ni la linguistique ne peuvent rendre compte de la naissance et du développement des religions, non plus que de leurs analogies entre elles. Ce fonds commun, qui persiste à travers l’humanité, leur échappe ; les mythologies ne paraissent plus que des amusements ou des inventions des poètes ; et ce fait immense de l’empire exercé par les religions sur les hommes, de cette puissance mystérieuse qui a rempli d’autels les cités, chargé des générations entières de labeurs exécutés par elles avec allégresse, souvent aussi armé les nations les unes contre les autres, bouleversé les états, renversé les dynasties, et qui aujourd’hui même tient l’Orient et l’Occident en suspens, ce fait demeure sans raison d’être, la science est muette devant lui. L’explication donnée par Épicure, si hardiment reproduite par Lucrèce et à laquelle la science, aboutirait encore, n’explique rien. Si grand qu’on imagine le « fantôme qui montrait du haut du ciel son horrible tête, » ce spectre sera lui-même une production de la pensée humaine et aura besoin d’être expliqué.

Il y a donc dans les religions une idée fondamentale qu’il faut avoir sans cesse présente à l’esprit quand on parcourt les faits constatés par la linguistique et par l’archéologie, car c’est cette idée qui donnera l’interprétation des faits. La science cesse alors d’être une pure analyse et prend sa place dans l’ordre des sciences physiologiques. Cette idée, qui répond, comme je le disais tout à l’heure, à celle de la vie dans la physiologie animale et végétale, n’est plus un mystère aujourd’hui. Elle peut se lire, énoncée cent fois en termes simples et sans formules dans le Vêda ; puis, une fois qu’on l’y a saisie, on la retrouve partout dans les religions des temps postérieurs : elle y anime les céré-