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Ces offrandes sont présentées au feu sacré sur l’autel. Le feu les consume, les transforme et les élève en vapeurs odoriférantes vers le ciel, où elles vont se réunir au corps glorieux des êtres divins et finalement au Père céleste, présent à la cérémonie. Agni devient ainsi le médiateur de l’offrande, le sacrificateur, le prêtre mystique ; et comme l’offrande le contient sous des apparences matérielles, c’est un sacrificateur qui s’offre lui-même comme victime. Alors a lieu le festin sacré : la sainte table védique consistait en gazon, barhis, kuça ou dùrba, que l’on étendait à terre ; les prêtres et après eux les convives du banquet divin recevaient chacun sa part de l’hostie et la mangeaient comme un aliment choisi, dans lequel Agni était renfermé.

L’effet moral de cette communion primordiale était extraordinaire. Car Agni étant la vie et la pensée, ceux en qui il s’incorpore deviennent participants d’une même vie et d’une même pensée, frères selon la chair et selon l’esprit ; et comme ce culte ne réunissait alors que les hommes de race âryenne, c’est lui qui soutenait la communauté et en qui se réunissaient ces sentiments que d’un mot latin nous avons appelés amour de la patrie.

De plus l’Agni du Vêda, étant la vie dans l’individu, est aussi le médiateur qui transmet la vie et l’auteur des générations : principe masculin suprême (purusha), il vit dans les pères et revit dans les fils, « il est le mari des femmes et le fiancé des filles ; » il réside pleinement dans le père de famille maître de maison, plus pleinement encore dans le roi chef du peuple et éminemment dans le prêtre, dont la pensée l’a conçu, dont la voix le chante, dont la main et la bénédiction (swasti) l’engendrent sur l’autel. Quand un homme meurt, le feu de la vie et de la pensée se retire de lui et laisse à la terre ses membres glacés, son souffle retourne à Vâyu, sa vue au Soleil.