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et n’avait donné lieu à aucun établissement religieux chez des hommes de race étrangère. Or, cela n’est pas. Presque tous les peuples qui se sont trouvés en contact avec une nation âryenne lui ont emprunté une plus ou moins grande part de ses doctrines, et ont fondé ou modifié d’après elles leur propres institutions.

Quand on vit pour la première fois d’un peu près, au temps de Louis XIV, les hommes jaunes de la presqu’île au-delà du Gange, tout le monde crut qu’ils avaient une religion à eux, un peu barbare et passablement ridicule. Plus tard, on s’aperçut que le fameux Samanacodom, dont parle le poème de Louis Racine, n’était autre que le Çramana Gautama des Indiens, c’est-à-dire le Bouddha. C’est de nos jours seulement qu’on a su à quelle époque et comment le bouddhisme, religion âryenne, avait été apporté par des missionnaires indiens chez ce peuple d’une race inférieure, l’avait adouci, transformé, civilisé, et en avait fait une des sociétés humaines où la tolérance est le mieux pratiquée.

Quand on compare le bouddhisme de Siam avec celui des plus anciens Sûtras du Népâl, qui sont comme les évangiles de cette religion, on se convainc bientôt que la partie métaphysique a presque disparu de l’enseignement ; que les peuples de la presqu’île l’ont remplacé par un amas de superstitions et de pratiques grossières ; que la supériorité des premiers missionnaires au milieu d’une population inculte, se transmettant à leurs successeurs, a multiplié les prêtres et les couvents dans une effrayante proportion. Le sacerdoce, là comme à Rome, s’est modelé sur la constitution politique du pays ; tout ce clergé dépend d’un seul pontife, qui est l’égal du roi, qui règne à côté de lui, et qui a lui-même le titre de roi.

On fut bien longtemps aussi à s’apercevoir que la