Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/248

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toute notre race, et elle se transmet encore à des hommes de races inférieures et étrangères à la nôtre. Il y eut donc une période, dont la durée est inconnue, où, d’individuelle et de privée qu’elle était, elle devint commune et publique. C’est ce que nous pourrions appeler la période d’incubation de l’orthodoxie.

Si l’on admet, avec quelques savants, que la doctrine fut révélée tout entière et explicitement à ce premier homme, on admet en même temps que tout ce qui a été ajouté depuis en est une déviation, procède de volontés mauvaises et d’intelligences dévoyées ; on condamne d’un seul mot toutes les religions issues de la souche primitive ; enfin on se jette dans une foule de contradictions et d’hypothèses dont aucune n’est compatible avec les méthodes scientifiques les plus élémentaires.

Ainsi l’ordre de la nature, qui veut que toute forme ait des commencements très-petits, s’applique ici comme partout ailleurs. Du moment où un homme communique sa pensée à un autre homme, il la lui livre pour qu’il la féconde par sa propre initiative. Si la pensée est juste, loin de se perdre comme un embryon mal constitué, elle grandit par voie d’analyse ; chaque fois qu’une intelligence d’élite l’adopte pour la faire sienne et y applique ses forces individuelles, l’idée prend un accroissement nouveau. En effet, il est à peu près incontestable que la théorie du feu n’a d’abord embrassé que les phénomènes matériels les plus immédiatement perceptibles et même que l’origine solaire du feu ne fut aperçue que plus tard. Il fallut ensuite beaucoup de temps et de réflexion pour que l’on vît en lui l’agent psychologique et qu’on lui demandât l’explication des phénomènes de la vie. C’est à l’époque vêdique seulement qu’il fut identifié avec le principe de la pensée : on peut en acquérir la certitude en lisant les seuls