Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/263

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eussent encore existé. La séparation des prêtres et des laïques y fut rendue si profonde que le mot même d’église (le sangha des bouddhistes) devint dans le peuple synonyme du mot clergé, tandis que sa signification première et légitime est celle d’assemblée de fidèles. A cet égard, il n’y a aucune différence entre l’église latine et celle d’Orient, quoique celle-ci prétende mériter seule le titre d’orthodoxe. Les orthodoxies sont ce qu’on les fait ; les assemblées du clergé latin ont eu autant de droit à discuter les doctrines qu’en ont eu celles du clergé grec à ne les pas discuter : le droit de changer un dogme ou un rite est aussi entier que celui de ne le pas changer ; et si l’orthodoxie fondée par ces dernières est demeurée invariable depuis tant de siècles, cela prouve moins la justesse de leurs idées que l’ignorance. et la torpeur où prêtres et peuples étaient tombés.

Bien que, dans les clergés et parmi les fidèles, une sorte de convention impose silence aux opinions divergentes, la loi fatale des opérations de notre intelligence n’est pas annulée pour cela. Elle subsiste, quoi qu’on fasse, non seulement chez les laïques, mais dans le prêtre lui-même, et se manifeste pour ainsi dire sans interruption. La diversité des religions issues d’une source commune en est l’expression la plus saisissante, car c’est par le travail personnel des docteurs de chaque communion que les divergences ont été en grandissant, puis ont abouti à de nouveaux symboles de foi, souvent même à des morales séparées. Qu’on suive dans les actes des conciles le développement des idées chrétiennes, et l’on verra dans quelle mesure chacun des docteurs grecs et latins a concouru à créer le schisme des deux églises, et comment les dissentiments sont nés et ont grandi par l’apport privé des évêques dans ces réunions. On saisira l’instant précis des ruptures,