Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/269

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reconnu le christianisme, l’enseignement, devenu public, fut donné dans d’autres conditions et comme une orthodoxie indiscutable. Depuis lors, il n’a subi d’autres changements que ceux qui ont été imposés par les conciles et admis officiellement par les églises. À présent, il ne change pour ainsi dire plus, et il est porté par les missionnaires chez les peuples éloignés tel qu’il est donné par les clergés européens.

L’enseignement est le moyen ordinaire de propagation des orthodoxies ; pourtant, il ne se suffit pas à lui même. Non seulement il peut être froidement accueilli ou promptement oublié de ceux qui le reçoivent, mais il court le risque de se heurter contre des doctrines antérieures qui en détruisent tout l’effet. Ce choc est dû à l’inflexibilité des formules orthodoxes. En voici un exemple : lorsque les missionnaires catholiques vinrent en Chine prêcher leur religion parmi des bouddhistes, ils enseignèrent le Pater et désignèrent Dieu comme « le roi des cieux ; » ces derniers mots sont précisément ceux par lesquels dans toute l’église bouddhique on désigne Indra, qui est une sorte d’ange de beaucoup inférieur au Bouddha lui-même ; le catholicisme parut une idolâtrie, et la prédication n’eut point de succès. Les missions protestantes, n’ayant pas commis cette faute, réussirent mieux. L’enseignement peut donc non seulement rester impuissant devant la tiédeur des hommes, mais encore s’écarter, par la rigidité de ses formules, du but qu’il se propose d’atteindre.

Les rites donnent une très-grande énergie à son action. Ce n’est pas seulement ceux qui peignent aux yeux les formules de la foi, et qui, s’accomplissant autour de l’autel, sont comme une langue idéographique intelligible aux initiés ; c’est aussi les cérémonies qui s’adressent à l’homme individuellement, le prennent à sa naissance, le marquent d’un certain caractère et le