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du terme qu’il avait de bonne heure atteint et où il s’était arrêté. La longue durée de son orthodoxie, qui comprend peut-être quarante siècles, doit être attribuée surtout au système politique auquel elle s’était inféodée.

Le brâhmanisme, quoique chez une race progressive et par conséquent plus mobile, était fondé au moins douze ou quinze siècles avant Jésus-Christ, et il est encore plein de vie ; il est sous nos yeux : c’est comme une antique et puissante machine d’un mécanisme très-régulier, au fonctionnement de laquelle nous assistons. Or, à quoi s’attaquent les propagateurs de la civilisation d’Occident pour préparer dans l’Inde l’acceptation des idées chrétiennes ? Au système des castes, c’est-à-dire à une institution politique. A quoi le bouddhisme a-t-il dû les rapides succès qu’il a remportés dans ses premiers siècles ? Aux coups dont il frappait cette même institution. C’est donc elle dont l’alliance a maintenu l’orthodoxie religieuse, et c’est contre cette alliance que les forces intérieures comme celles du dehors sont venues jusqu’à présent se briser.

L’église chrétienne partage elle-même son histoire en trois périodes, la lutte, la souffrance, le triomphe, et elle fait dater celui-ci de Constantin. Chrétien lui-même, cet empereur fit asseoir la nouvelle religion sur le trône, remplit de chrétiens les fonctions politiques et civiles dans tout son empire, et donna à sa foi une liberté d’action et de propagande dont elle n’avait pas joui auparavant. Il fut pour cela vénéré dans l’église, quoiqu’il ne méritât, comme empereur, qu’une médiocre estime. Le bouddhisme avait de même, six siècles auparavant, trouvé son Constantin dans le grand roi converti, Açôka. L’alliance de l’orthodoxie et de la politique consommée par l’empereur romain n’a plus cessé, ni dans l’église d’Orient ni dans celle d’Occident.

L’église a suivi les mouvements de la politique et s’y