Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/286

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d’Orient, où les prêtres sont mariés. Il démontre donc que l’immobilité des dogmes est une cause de décadence pour les églises locales ; et comme cette fixité règne dans toutes les orthodoxies, celles-ci tendent à s’anéantir faute de se pouvoir transformer. Si elles se modifiaient pour suivre le mouvement des esprits, elles tomberaient en contradiction avec leur propre principe et périraient plus vite encore.

Au contraire, quand une formule de foi est passée à l’état d’orthodoxie, elle devient un principe, qui tend comme tout autre à produire ses conséquences extrêmes. Celles-ci se produisent toujours dans un sens défini et créent des forces nouvelles ou des faits sociaux parfois extraordinaires. On en pourrait citer des exemples à l’infini ; j’en rappellerai seulement deux ou trois.

La contemplation de la vérité est l’état le plus parfait de l’âme : faites de cette idée fort juste un principe d’orthodoxie, et donnez-lui ses conséquences, vous engendrerez des sociétés contemplatives qui détermineront les conditions les plus favorables à la contemplation ; parmi ces dernières sera l’immobilité du corps, et vous verrez dans l’Inde des hommes qui, pour se la procurer, se feront attacher par les pieds et les mains à des troncs d’arbres et y passeront leur vie.

L’excès du boire et du manger trouble les fonctions de l’intelligence : principe vrai qui conduit à la formule de l’abstinence et du détachement ; celle-ci, à son tour, considérée comme un principe et appliquée en toute rigueur, amène des ermites sur les promontoires, sur les pics escarpés, sur les colonnes isolées d’édifices en ruine, et fait tourner sur un pied, dans l’attitude de l’extase, les derviches blancs de Constantinople.

Ce ne sont point là des aberrations ; ce sont des conséquences très-logiquement tirées de principes fort humains, mais étroitement formulés par des orthodoxies ;