Page:Burnouf - Le Bhâgavata Purâna, tome 1.djvu/265

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des nombreuses richesses de mes ennemis, et arracher de leur tête le joyau précieux, emblème de la puissance.

15. Quand les armées de Bhîchma, de Karṇa, de Drôṇa, de Çalya étaient défendues par les lignes des chars que montait la foule des plus braves guerriers, c’est lui qui, placé, devant moi, leur enlevait d’un regard le courage, la vigueur, l’adresse et la vie.

16. Placé sur ses bras comme le serviteur de Narasim̃ha (Prahrâda), que ne touchèrent pas les flèches des Asuras, j’étais invulnérable à ces javelots dont l’atteinte est si sûre, et que lançaient contre moi notre précepteur, Bhîchma, Karṇa, Drâuṇi, Çala (Çalya), et les rois de Trigarta, du Sindhu et de Bâhlika.

17. Insensé que j’étais ! j’ai choisi pour mon écuyer le Seigneur suprême qui donne la vie et dont les bienheureux adorent les pieds pour obtenir leur salut ! lui dont la puissance empêcha mes ennemis montés sur leurs chars de songer à s’emparer de moi, lorsque l’épuisement de mes chevaux m’avait forcé de descendre à terre.

18. Ô roi des hommes ! les paroles enjouées de Mâdhava (Krĭchṇa) embellies par un noble et gracieux sourire, ces entretiens pleins de tendresse, ces mots : Ô Pârtha, ô Ardjuna ! ô mon ami ! ô joie de la race de Kuru, tous ces souvenirs enfin agitent mon cœur.

19. Ce Dieu qui, partageant avec moi lit, siège, repas, promenades, éloges, répondait à mes reproches par ces mots : « Ami, tu as raison, » savait, dans l’excès de sa magnanimité, souffrir toutes les fautes où m’entraînait mon ignorance, comme un ami souffre celles d’un ami, et un père celles de son enfant.

20. Et moi, roi des rois ! privé du meilleur des hommes, d’un ami affectueux et chéri, dont l’absence a enlevé mon cœur de mon sein ; chargé de défendre dans leur marche le cortège de ses épouses, j’ai été vaincu, comme une femme, par de vils bergers.

21. Cet arc, ces flèches, ce char, ces chevaux, moi-même enfin, avec ce qui me valait les hommages des rois, tout cela, délaissé par mon maître, fut en un instant frappé d’impuissance, réduit en cendres et enlevé comme par le pouvoir d’un magicien ; [tout cela devint aussi inutile] que du grain semé sur un sol aride.