Page:Burnouf - Le Bhâgavata Purâna, tome 1.djvu/29

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je le remarquais tout à l’heure, auprès du premier, c’est-à-dire des Itihâsas, avec lesquels les Purâṇas doivent avoir de nombreuses analogies. De même que les Itihâsas, ils sortent des Vêdas, ou plutôt des Brâhmaṇas, comme le dit Sâyaṇa, dans un texte déjà cité. Mais les Itihâsas, qui se rapportent plus ordinairement à des événements humains[1], devaient, sous la main d’hommes fortement inspirés du génie national, donner naissance aux grandes épopées populaires du Mahâbhârata et du Râmâyaṇa, tandis que les Purâṇas, qui s’occupent davantage de l’origine du monde et de celle des Dieux, se sont rassemblés et probablement développés sous une forme presque encyclopédique où domine à peu près exclusivement la mythologie. Cette circonstance s’explique par la destination que l’on a donnée de bonne heure sans doute aux Purâṇas. C’est, en effet, une opinion généralement admise dans l’Inde, que ces ouvrages remplacent, pour les classes inférieures de la société, le Vêda, dont la lecture est réservée aux castes qui

  1. Dans le passage du commentaire de Sâyaṇa que j’ai cité en tête des trois fragments védiques où se trouvent les noms d’Itihâsa et de Purâṇa, on remarque l’indication d’un Itihâsa qui a un caractère tout mythologique, en ce qu’il se rapporte à la guerre des Dêvas et des Asuras, qui forme le fonds des plus vieilles légendes conservées dans les Vêdas. Mais Sâyaṇa cite, dans une autre partie de son ouvrage, des exemples d’Itihâsas qui se rapprochent davantage du caractère que je crois pouvoir assigner à ces sortes de récits. Voici ses propres paroles : « Les histoires de Hariçtchandra, de Nâtchikêtas et d’autres, qui sont racontées dans l’Âitarêya, le Tâittirîya, le Kâṭhaka et autres divisions du Vêda, histoires qui sont destinées à donner la connaissance de Brahma et de la loi, sont développées dans divers volumes d’Itihâsas. » (Vêdârthapraçâ, p. 45 et 46, ms. de la Bibliothèque du Roi ; p. 36 de mon ms.) Les Itîhâsas sont si intimement rattachés aux Brâhmaṇas des Vêdas, qu’ils figurent dans la définition que les philosophes Mimâm̃sakas donnent de ces Brâhmaṇas, quand ils les présentent par opposition aux Mantras, comme des préceptes et des règles au milieu desquels se trouvent relatées d’anciennes histoires, et que l’on reconnaît au fréquent emploi de la particule conjonctive iti ou itiha (voilà, voilà certes), de laquelle dérive le nom de Itihâsa. (Colebrooke, Miscell. Essays, t. I, p. 310 ; Sanscr. Dict. aux mots Itiha et Itihâsa.) C’est là l’étymologie véritable du mot Itihâsa, tradition.