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CHAPITRE PREMIER.

muttâkêtchi nibhânâdhimuttâ. « Celui des éléments, parmi les divers et nombreux éléments, pour lequel les créatures se sentent de l’inclination, elles s’y arrêtent, elles s’y livrent tout entières. Quelques-uns ont de l’inclination pour l’élément de la forme… d’autres pour l’élément du Nibbâna (Nirvâṇa)[1]. » On voit qu’ici le sens d’inclination convient mieux que celui de pénétration ou d'intelligence. Il n’est cependant pas douteux que le radical mutch, précédé du préfixe adhi, n’exprime en pâli, comme dans le sanscrit buddhique, un des actes de l’intelligence, car le vocabulaire pâli donne adhimôkkha avec le sens de « détermination, certitude acquise[2]. » Voici, de plus, un texte de Mahânâma, qui, dans son Commentaire sur le Mahâvam̃sa, s’exprime ainsi : Nânâdhimuttikañtcha sattalôkam̃ adhimuttânurûpêhi bahûhi vividhadêsanânayappakâréhi vinêtvâ. « Ayant converti le monde des créatures, dont les dispositions intellectuelles sont diverses, par des modes nombreux et divers d’enseignements et d’instructions, conformes à ces dispositions (de leur intelligence)[3]. »

f. 17 a.St. 84. Comme une lumière dont la source est éteinte.] Le texte s’exprime ainsi : परिनिर्व्दतो हेतुक्षयेव दीपः, littéralement, « il fut anéanti comme une lampe dans la destruction de « sa cause. » De pareils textes justifient l’emploi des mots extinction, anéantissement pour rendre le terme capital de Nirvâṇa. On voit que les idées de parinirvrĭta et parinirvâṇa, « complètement entré dans le Nirvâṇa, et le Nirvâṇa complet, » n’ont, pour les Buddhistes, d’autres analogues dans le monde matériel, que les notions d’extinction, d’anéantissement. Cette assimilation est confirmée encore par d’autres textes. Je n’en pourrais cependant pas citer de plus solennel que la stance prononcée, suivant la tradition, au moment de la mort de Çâkyamuni, par Anuruddha son cousin ; elle se trouve dans le Mahâparinibbâna sutta des Buddhistes du Sud :

asallinêna tchittêna vêdanam̃ adjdjhavâsayi
vipadjdjôtassêva nibhânam̃ vimôkhô tchêtasô ahu

« Avec un esprit qui ne faiblissait pas, il a souffert l’agonie (de la mort) ; comme l’extinction d’une lampe, ainsi a eu lieu l’affranchissement de son intelligence[4]. »

St. 85. Qui étaient arrivés à.] Lisez, « qui étaient partis pour, » comme plus haut, f. 8 b, st. 31.

f. 17 b.St. 88. Et s’annoncèrent successivement qu’ils étaient destinés à parvenir à l’état suprême de Buddha.] Nous trouvons ici le verbe krĭ, précédé des prépositions vi et â, et employé avec le sens spécial qu’il a dans le sanscrit buddhique, celui de « annoncer à quelqu’un ses destinées futures, » ainsi que je l’ai montré ailleurs[5]. J’ajoute seulement ici que cette expres-

  1. Djina alam̃kâra, f. 16 b.
  2. Abhidh. ppadîp. l.I, c. ii, sect. 5, st.15.
  3. Makâvam̃sa ṭîkâ, f. 20 b.
  4. Mahâparinibbâna sutta, dans Dîgh. nik. f. 98 a ; Turnour, Examin. of Pâli Buddhist. Annals, dans Journ. asiat. Soc. of Bengal, t. VII, p. 1008.
  5. Introduction à l’hist. du Buddh. ind. t. I, p. 54 et 55 ; comp. ci-dessus, p. 322, à la st. 51.