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APPENDICE. — N° VIII.

sible que les deux rédactions anupahatakruchta et anapahatakarnéndriya aient eu pour base première un même original ? Je ne saurais dire cependant quel il a dû être, quoique j’incline ici en faveur de la liste népalaise et du Vocabulaire pentaglotte. On voit que nous aurions besoin d’un plus grand nombre de manuscrits pour nous fixer sur cet article.

68. Saviditêndriyah. Ce caractère signifie, «Ses organes sont parfaitement éclairés,» c’est-à-dire que ses organes, dont l’action n’est viciée par aucune imperfection, lui donnent une instruction sûre et positive. Les Tibétains traduisent, «Il a les sens parfaitement « domptés ; » ce qui est peut-être un peu moins exact, mais ce qui suppose pour original suvinftêndriyah : qui sait même si ce n’est pas la meilleure leçon ?

69. Suparipûrnêndriyah. Ce caractère signifie, «Ses organes sont parfaitement accomplis. » Les Tibétains, d’après M. Foucaux, en donnent une interprétation qui prouverait qu’ils ont eu sous les yeux un texte très-différent de celui de nos trois manuscrits : « Il «porte vraiment sur le front le cheveu parfaitement accompli ;» sur quoi M. Foucaux ajoute en note : « Sanscrit ûrnâ, cheveu au milieu du front des Buddhas, annonçant la « puissance et la grandeur[1]. » J’avoue que je ne trouve dans nos manuscrits du Lolita vistara ni les éléments de ce sens, ni ceux de la note qui l’accompagne. Ce n’est pas le substantif ûrnâ qui paraît dans ces manuscrits, mais l’adjectif paripurna, « accompli, complet ; » cela ne peut faire l’objet d’un doute. Puis ûrnâ, en supposant qu’il en fût question ici, ne désignerait pas le cheveu placé au milieu du front dont il est parlé dans quelques légendes ; c’est, comme l’indique le sens ordinaire du mot, un duvet laineux qui croît, non au milieu, mais au bas du front, entre les deux sourcils : c’est en un mot ce cercle de poils dont les Tibétains eux-mêmes reconnaissent l’existence parmi les trente-deux Lakchanas, ou caractères d’un grand homme[2]. Appeler ce cercle de poils un cheveu placé au milieu du front, c’est prendre l’un pour l’autre deux caractères très-différents ; et l’on a peine à comprendre comment les interprètes tibétains ont pu tomber dans une telle confusion. Quant au caractère même qui fait l’objet de cet article, il ne reparaît dans aucune de nos trois autres listes.

70. Saggatamiikhalalâiah. Ce caractère signifie, « Il a la face et le front en harmonie l’un avec l’autre ; » ou, comme le disent les Tibétains, « Son visage et son front s’accordent bien ensemble. » Je ne rencontre pas cet attribut dans nos autres listes ; cependant on y trouve un ou plusieurs caractères tirés du Iront. Ainsi la liste singhalaise en a un qui est placé sous le n° 5 i, âyataputhulalâlasôbhatâ, « la beauté d’un front grand et large ; » c’est le n° 73 du Vocabulaire pentaglotte : srïtulalàfah pour prïthulalâtah, « il a le front large, » et le n° 71 de la liste népalaise, pnthalalâtatâ, « la qualité d’avoir un front large. » Outre ce caractère, nous avons encore dans le Vocabulaire pentaglotte, sous le n° 72, suparinatalalâtah, « Il a le front bien arrondi, » à quoi correspond le n° 70 de la liste népalaise, aparisthanalalâtatâ, mais ce dernier énoncé doit être fautif ; du moins il m’est impossible de

  1. Rgya tch’er rol pa, II, p. 100.
  2. Ibid., t. II, p. 171, et ci-dessus, p. 563, n° 4.