Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/109

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Le deuoir faire en l’estour furieus,
Piquer, volter le cheual glorieus,
Pour Bradamante, ou la haute Marphise,
Seur de Roger, il m’ust, possible, prise.
Mais quoy ? Amour ne put longuement voir
Mon cœur n’aymant que Mars et le sauoir :
Et me voulant donner autre souci,
En souriant, il me disoit ainsi :
Tu penses donq, ô Lionnoise dame,
Pouuoir fuir par ce moyen ma flame ;
Mais non feras, j’ai subjugué les dieus
Es bas enfers, en la mer et es cieus.
Et penses-tu que n’aye pouuoir
Sur les humeins, de leur faire sauoir
Qu’il n’y a rien qui de ma main eschape ?
Plus fort se pense et plus tot je le frape.
De me blamer quelquefois tu n’as honte,
En te fiant en Mars dont tu fais conte :
Mais meintenant, voy si pour persister
En le suiuant me pourras résister.
Ainsi parloit, et tout echaufé d’ire
Hors de sa trousse une sageite il tire,
Et décochant de son extrême force,
Droit la tira contre ma tendre escorce :
Foible harnois pour bien couurir le cœur,
Contre l’archer qui tousiours est vainqueur.
La bresche faite, entre Amour dans la place,
Dont le repos premièrement il chasse :
Et de trauail qui me donne sans cesse,
Boire, menger, et dormir ne me laisse.
Il ne me chaut de soleil ne d’ombrage :
Je n’ay qu’amour et feu en mon courage,
Qui me desguise, et fait autre paroitre.
Tant que ne pus moy mesme me connoitre.