Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/135

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De tant de passions que nourrit notre cœur,
Apprenez qu’il n’en est pas une
Qui ne traîne après soi le trouble, la douleur,
Le repentir ou l’infortune.
Elles déchirent nuit et jour
Les cœurs dont elles sont maîtresses
Mais de ces fatales foiblesses,
La plus à craindre c’est l’amour.
Ses douceurs même sont cruelles.
Elles font cependant l’objet de tous les vœux.
Tous les autres plaisirs ne touchent point sans elles ;
Mais des plus forts liens le tems use les nœuds,
Et le cœur le plus amoureux
Devient tranquille, ou passe à des amours nouvelles.
Ruisseau, que vous êtes heureux !
Il n’est point parmi vous de ruisseaux infidelles.
Lorsque les ordres absolus
De l’Être indépendant qui gouverne le monde,
Font qu’un autre ruisseau se mêle avec votre onde ;
Quand vous êtes unis, vous ne vous quittez plus.
À ce que vous voulez, jamais il ne s’oppose ;
Dans votre sein il cherche à s’abymer :
Vous et lui jusques à la mer
Vous n’êtes qu’une même chose.
De toutes sortes d’unions
Que notre vie est éloignée !
De trahisons, d’horreurs et de dissensions
Elle est toujours accompagnée ;
Qu’avez-vous mérité, ruisseau tranquille et doux,
Pour être traité mieux que nous ?
Qu’on ne me vante point ces biens imaginaires,
Ces prérogatives, ces droits,
Qu’inventa notre orgueil pour masquer nos misères ;
C’est lui seul qui nous dit que par un juste choix,