Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/162

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II


Belle et sage Daphné, merveille de nos jours,
Que toutes les vertus accompagnent toujours
Et qui connois si bien leurs grâces naturelles
Que tu n’as jamais pris leur fantôme pour elles ;
Illustre et chère amie, à qui dans mes malheurs
J’ai toujours découvert mes secrètes douleurs,
Qui sçais ce que l’on doit ou désirer ou craindre,
Et qui ne blâmes pas ce qu’on ne doit que plaindre
Écoute mes ennuis, soulages-en le faix ;
J’ai bien plus à te dire aujourd’hui que jamais,
Et tes prudens conseils, tant de fois salutaires,
Ne me sçauroient jamais être plus nécessaires.
Défens ma liberté, ma Daphné, je combats
Un dieu dont j’ai souvent méprisé les appas.
Qui, lassé de me voir insensible à ses larmes,
A pris pour m’asservir ses plus puissantes armes
Ah ! que je l’appréhende avecque tant d’attraits !
C’est le jeune Tircis qui lui fournit ses traits,
Tircis, de tous les cœurs le charme inévitable ;
Tircis, en qui reluit tout ce qui rend aimable,
Et dont le ciel, prodigue à verser ses trésors,
Ne forma que trop bien et l’esprit et le corps.
Pour tout autre que lui je serois invincible,
Jamais autre que lui ne me rendit sensible,
Et je ne croyois pas l’amour contagieux,
Lorsque, sans y penser, je le vis dans ses yeux.
Mon cœur par mille efforts a voulu se défendre ;
Mais je sens bien qu’enfin il est près de se rendre.
Et ma foible raison, dans ce mortel danger,