Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/216

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J’y consens à regret : mes amoureux soupirs
Ne troubleront jamais vos somptueux plaisirs.
Qu’un éternel oubli soit le prix de mes peines ;
Renoncez à mon cœur pour des chimères vaines.
A de lâches devoirs sacrifiez des jours
Dont les mains de l’Amour devaient filer le cours.
Malgré tant de serments, soyez traître et parjure,
Je souffrirai mes maux sans plainte et sans murmure.
C’est un foible secours que les emportements,
Et vous serez puni par vos propres tourments.
Pour moi, dans un désert, exempte de naufrage,
Je vous contemplerai dans le fort de l’orage ;
Et peut-être qu’un jour, de ce tranquille port,
Je vous verrai l’objet des caprices du sort.
De là je vous verrai, sur la mouvante roue,
Tantôt au firmament et tantôt dans la boue
L’aveugle déité dont vous suivez le char
Sème indifféremment ses faveurs au hasard.
Son inconstante humeur ne peut être arrêtée :
Je la connois, berger ; pour vous je l’ai quittée.
Je sais quels sont les biens dont elle peut combler,
Et que c’est dans ses bras que l’on doit plus trembler.
Quand, après cent projets renversés dans ses fuites,
Vous serez rebuté de vos vaines poursuites,
Et que vous trouverez que cent malheurs nouveaux
Seront l’unique fruit de tous vos longs travaux,
Peut-être, Clidamis, que mon triste hermitage
Ne vous paroitra plus un si mauvais partage.
Vous trouverez alors que nos prés et nos bois
Sont un plus beau séjour que le Louvre des rois ;
Et, rappelant enfin dedans votre mémoire
De nos plaisirs passés la bienheureuse histoire,
Je ne sais si l’éclat dont vos yeux sont deçus,
Pourra vous consoler de les avoir perdus.