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LA TOURTERELLE ET LE RAMIER.




FABLE.




Qu’on ne me parle plus d’amour ni de plaisirs,
Disoit un jour la triste tourterelle.
Consacrez-vous, mon ame, à d’éternels soupirs :
J’ai perdu mon amant fidelle.
Arbres, ruisseaux, gazons délicieux,
Vous n’avez plus de charmes pour mes yeux :
Mon amant a cessé de vivre !
Qu’attendons-nous, mon cœur ? Hâtons-nous de le suivre :
Comme on l’eût dit, autrefois on l’eût fait.
Quand nos pères vouloient peindre un amour parfait,
La tourterelle en étoit le symbole :
Elle suivoit toujours son amant au trépas.
Mais la mode change ici-bas
De cette conjoncture frivole.
Le désespoir a perdu son crédit,
Et tourterelle se console,
S’il faut tenir pour vrai ce que ma fable en dit
Elle prétend que cette désolée,
À sa juste douleur voulant être immolée,
Choisit un vieux palais, vrai séjour des hiboux,
Où, sans chercher aucune nourriture,
Un prompt trépas étoit son espoir le plus doux.
Mais qui ne sait qu’en toute conjoncture,
La Providence est plus sage que nous ?
Dans cette demeure sauvage
Habitoit un jeune ramier,
Houpé, patu, de beau plumage,