Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/221

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Si je pus autrefois, pour une jeune reine[1],
Dont je connoissois peu l’ame inégale et vaine,
Abandonner des lieux si fleuris et si verds,
Pour aller la chercher au pays des hivers.
Je devois bien pour vous quitter ces climats sombres,
Où, loin de la lumière, errent les pâles ombres.
Quelque espace entre nous que mette le trépas,
Pour être auprès de vous, que n’entreprend-on pas ?
Je n’ai pu vous entendre estimer mes ouvrages,
Et vous voir chaque jour en feuilleter les pages.
Sans sentir en mon cœur tout ce qu’on peut sentir
Dans le séjour glacé dont je viens de partir.
Depuis que de mes jours je vis couper la trame,
Aucun autre plaisir n’avoit touché mon ame ;
J’apprenois cependant que les vrais beaux esprits
Lisoient avec estime et goûtoient mes écrits ;
Mais je voyois toujours régner cette science ,
Ou plutôt cette fière et pénible ignorance,
Par qui, d’un vain sçavoir flatté mal à propos,
Un esprit s’accoutume à se payer de mots.

Partout cette orgueilleuse, avec son Aristote,
Des sçavants de ce temps est encor la marotte.
Tout ce qu’on dit contre elle est une nouveauté,
Et sans autre examen doit être rejeté :
Comme si les erreurs où furent ces grands hommes
Méritoient du respect dans le siècle où nous sommes ,
Et, cessant d’être erreurs par leur antiquité,
Avoient enfin prescrit contre la vérité.
Mais je sais que ce temps va bientôt disparoitre ;
Bientôt tous les sçavants me vont avoir pour maître ;
Tout suivra votre exemple, et par vous quelque jour,

  1. Christine, reine de Suède.