Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/294

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Dans la jeunesse, elle décore
Tous les objets et tous les lieux ;
La raison vient qui décolore
Ces tableaux si délicieux.
Je les regrette, et ce n’est pas folie.
Je ne vois plus mes gazons et mes bois,
Ni mon ruisseau, ni ma prairie,
Comme je les vis autrefois.

Lorsque j’entends la tourterelle
Roucouler ses tendres amours,
Je ne dis plus, comme dans mes beaux jours,
Il faut la prendre pour modèle.
Progné n’est plus pour moi qu’une simple hirondelle,
Et, quand le rossignol s’égosille en chantant,
Je ne m’attendris plus sur le vieil accident
De cette pauvre Philomèle.

Tircis, dont je vantois les séduisans appas,
Les graces, le tendre langage,
N’est plus maintenant que Lucas,
À l’air nigaud, aux cheveux plats :
C’est le plus rustre du village ;
Et les bergères du canton,
La belle Aminte et Célimène,
Ne sont plus à mes yeux que Margot et Suzon,
Qui de mes vers ne valoient pas la peine.
Pour vous, mes paisibles moutons,
Je vous trouve toujours aimables ;
En tous lieux, en toutes saisons,
Vos attraits pour moi sont durables.
Ce qui rappelle la candeur.
Et la douceur et l’innocence,
Ne peut cesser d’être cher à mon cœur.