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CHEFS-D’ŒUVRE POÉTIQUES

M’échappant au sommeil, je contemple avec toi
Le spectacle riant du lever de l’aurore :
Tu me fais remarquer la fleur prête d’éclore,
Et tu donnes un charme à tout ce que je voi.
Tantôt sous le triste feuillage
Des vénérables ifs plantés par tes aïeux,
Du soleil trop ardent nous évitons les feux ;
Et dans mes vers j’esquisse un paysage,
Tandis que ton pinceau le reproduit bien mieux.
De tes chers amis entourée,
Tantôt je te revois, abrégeant la soirée
Par cent et cent jeux innocens,
Nous réjouir de ta gaîté naïve,
Attacher notre esprit à tes moindres accens,
À des riens que tes soins rendroient intéressans,
Et nous faire oublier l’aiguille fugitive
Qui, trop tôt, du sommeil ramenoit les instans :
Mais quelle horreur, quand il s’efface,
Ce songe si court et si beau !
Lorsqu’il me fuit et qu’à sa place
Je ne découvre qu’un tombeau !
Je m’en éloigne en vain ; l’amitié me rappelle :
La sincère amitié craint de se consoler.
Oui, mon cœur, accablé de ta perte cruelle,
Veut que long-temps pour toi mes pleurs puissent couler.
Chaque jour dont le ciel prolongera ma vie,
À ta tombe amenée, à cet asile affreux,
Ah ! j’irai m’y livrer à la mélancolie,
Seul et dernier plaisir de l’être malheureux.