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CHEFS-D’ŒUVRE POÉTIQUES


Tu croissais sous mes yeux quand tu me fus ravie.
En naissant sur ton front la rose s’est flétrie,
Et la mort s’apprêtait à tromper mon espoir,
Quand mes yeux s’enivraient du plaisir de te voir
Dans l’ombre de la nuit ma craintive tendresse
Auprès de ton berceau me ramenait sans cesse.
Combien de fois, hêlas ! le retour du soleil
Me vit pâle et tremblante attendre ton réveil,
Et mon ame, attachée à ta paisible couche,
S’ouvrir au doux souris qui naissait sur ta bouche ?
Tes baisers innocens faisaient passer mon cœur
Des pleurs de la tristesse aux larmes du bonheur.
Sur mon sein ranimé quand tu puisais la vie,
Quand tes yeux se fixaient sur ta mère attendrie,
Quand ton front me peignait le naïf enjoument,
Ah ! qu’alors mes ennuis s’oubliaient aisément !

Dans ton cœur ingénu je me plaisais à lire :
Souvent je t’écoutais pour apprendre à t’instruire.
Tes caresses, ta voix, tes regards si touchans,
À ta mère attentive annonçaient tes penchans.
Conduite par mes soins, la raison pour te plaire,
Se mêlant à tes jeux, perdait son air austère,
Et si tous les talens venaient m’environner,
Je ne les cultivais que pour te les donner.
De toute fausse idée éloignant l’imposture,
J’aimais à conserver ton âme libre et pure ;
Mais, pour la vérité laissant mûrir ton cœur,
Je croyais assez faire en faisant ton bonheur ;
Et dans mes yeux charmés ton aimable innocence
En cherchant sa leçon trouvait sa récompense.

Celui qui sait de Flore enchaîner la faveur
Dans le bouton qui naît prévoit déjà la fleur :