Page:Busoni - Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises, 1841.djvu/9

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PRÉFACE.




Montaigne et Jean-Jacques, et bien d’autres avant et après eux, ont jugé avec sévérité les femmes-auteurs, et particulièrement les femmes-poètes. Sous ce dernier rapport, Boileau, plus directement intéressé dans la cause, a renouvelé contre elles les accusations et les railleries de Juvénal, ce qui n’a pas empêché nombre de femmes d’écrire supérieurement en prose, et d’arriver à quelque célébrité en poésie. Nous disons célébrité faute d’un terme plus convenable, le mot gloire étant trop ambitieux pour caractériser des talents et des productions dont l’ensemble n’existe pas ou n’a même jamais existé. Des femmes poètes en effet (nous ne parlons que du passé), il n’y a pas d’œuvres proprement dites à recueillir, il n’y a que des fragments. Toutes ou presque toutes ont eu, dans leur vie, leur moment d’inspiration, ont fait leur bonne pièce, comme on dit ; les mieux douées, les plus habiles ont parfois retrouvé cet éclair ou l’ont prolongé, voilà tout. C’est ce tout qu’il ne faut pas dédaigner et que l’on peut offrir aux uns comme étude, aux autres comme récréation utile et charmante.

Ce qu’on ne refusera pas sans doute à ce recueil, c’est sa variété ; ce qu’on pourrait être tenté d’y reprendre, c’est l’inégalité des œuvres. Il s’y trouve effectivement, à côté de pièces supérieures et exquises, d’autres morceaux moins remarquables ou même faibles. Cette imperfection, on ne saurait avec raison l’imputer à l’éditeur, elle tient à la nature même de la publication ; il faut le louer au contraire d’avoir su réunir et concentrer dans un cadre qui ne manque pas d’une certaine étendue, et dans un ordre clair et naturel, les morceaux d’élite dus aux femmes distinguées de toutes les époques. Il y a joint un glossaire indispensable pour la pleine intelligence des auteurs antérieurs au dix-septième siècle, et une courte notice biographique, au moyen de laquelle l’inspiration de chacun de ces auteurs se laisse entrevoir jusqu’à un certain point, soit par le caractère et la position personnelle, soit par la date de la venue.

On sait qu’en tout temps cette date de la venue exerça la plus grande influence sur le talent et même sur la vocation, principalement en poésie lyrique, où, à proprement parler, ce qu’on appelle les idées n’existe pas, si ce n’est à l’état de sentiments et d’images, où par conséquent les limites sont