Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/16

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Là-dessus, le comte de Lauzun[1], qui n’y avoit point d’intérêt, parce qu’il n’étoit pas marié, prit la parole et dit au Roi : « Sire, vous avez été plus heureux que Salomon, d’avoir trouvé deux femmes chastes, puisque ce prince, tout sage qu’il étoit, n’en a pu trouver une seule. »

Ces deux femmes, à ce qu’on a su depuis, étoient la Reine, et la comtesse de L…[2], dont on va décrire les amours secrètes avec ce monarque. Il avoit trop d’intérêt à croire à la fidélité de la Reine, pour en douter tant soit peu, et véritablement c’étoit une princesse des plus sages, et des plus vertueuses de son siècle, et le Roi son époux ne faisoit que lui rendre la justice qui lui étoit due. Pour la comtesse, l’intérêt de son amour auroit voulu, tout au contraire, qu’il eût pu douter de sa fidélité pour le lien conjugal. Mais il n’avoit que trop de raisons de la croire ferme là-dessus, et, si on peut le dire ainsi, une invincible.

Il y avoit longtemps que ce prince brûloit pour elle ; mais il n’y avoit encore que ses yeux qui osassent le lui dire ; il la regardoit incessamment d’un air tendre et passionné ; mais on ne répondoit point à ses regards, et quoique la comtesse comprît assez ce que cela vouloit dire, elle fit toujours semblant de n’entendre pas ce langage mystérieux. Comme elle est naturellement modeste, les yeux du Roi, qui la rencontroient toujours, la faisoient quelquefois

  1. Voy. passim et à la table.
  2. Voy. la Préface, en tête de ce vol.