Page:Byron - Œuvres complètes, trad. Laroche, III.djvu/17

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(Manfred prend quelques gouttes d’eau dans le creux de sa main, et les jette en l’air en murmurant les paroles magiques. Après un moment de silence, la Fée des Alpes parait sous l’arc-en-ciel du torrent.)

Beau génie ! avec ta chevelure de lumière, tes yeux éblouissants de gloire, tes formes qui rappellent les charmes des moins mortelles d’entre les filles de la terre, mais agrandis dans des proportions plus que terrestres, dans une essence d’éléments plus purs ; pendant que les couleurs de la jeunesse, ce tendre incarnat de la joue d’un enfant endormi sur le sein de sa mère, et bercé par les battements de son cœur, ou ces teintes roses que le crépuscule d’été laisse après lui sur la neige virginale des hauts glaciers, rougeur pudique de la terre dans l’embrassement du ciel, — colorent ton céleste visage, et font paraître moins brillant l’arc-en-ciel qui te couronne ; beau génie ! sur ton front calme et pur, où se reflète cette sérénité d’âme qui à elle seule révèle ton immortalité, je lis que tu pardonnes à un fils de la terre, à qui les puissances les plus mystérieuses daignent quelquefois se communiquer, — de faire usage de tes secrets magiques — pour évoquer ainsi ta présence et te contempler un moment.

La fée. Fils de la terre ! je te connais, ainsi que les puissances à qui tu dois ton pouvoir : je te connais pour un homme à la pensée féconde, qui a fait tour à tour et le bien et le mal, extrême dans tous deux, et dont les souffrances ont été fatales à lui-même et aux autres. Je t’attendais ; — que veux-tu de moi ?

Manf. Contempler ta beauté et rien de plus. Ce qui est à la surface de la terre m’a rendu insensé, et je me réfugie dans ses mystères, et je pénètre jusqu’au séjour des esprits qui la gouvernent ; — mais ils ne peuvent rien pour moi. Je leur ai demandé ce qu’ils n’ont pu me donner, et maintenant je ne te demande plus rien.

La fée. Quel est le vœu que ne peuvent exaucer ceux qui peuvent tout, les monarques de l’invisible ?

Manf. Il en est un ; mais pourquoi le redire ? ce serait inutile.