Page:Byron - Œuvres complètes, trad. Laroche, III.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

effrayé, — à présent je tremble, et sens sur mon cœur je ne sais quel froid dégel. Mais je puis faire même ce que j’abhorre le plus, et défier les humaines frayeurs. — La nuit approche. (Il sort.)

SCÈNE III.

La cime du mont Jungfrau.
Arrive LA PREMIÈRE DESTINÉE.

La lune se lève, large, ronde, éclatante ; sur ces neiges que le pied d’aucun mortel ne foula jamais, nous marchons chaque nuit sans y laisser d’empreinte ; nous parcourons cette mer sauvage, ce brillant océan de glaces montagneuses ; nous effleurons ces rudes brisants, semblables à des flots écumeux soulevés par la tempête et que le froid aurait subitement glacés, image d’un tourbillon liquide réduit à l’immobilité et au silence ; et cette cime escarpée et fantastique, sculptée par quelque tremblement de terre, — où s’arrêtent les nuages pour s’y reposer en passant, — est consacrée à nos ébats et à nos veilles ; ici j’attends mes sœurs, qui doivent se rendre avec moi au palais d’Arimane ; c’est cette nuit que se célèbre notre grande fête ; — je m’étonne qu’elles ne viennent pas.

Une voix chante dans le lointain. L’usurpateur captif, précipité de son trône, gisait immobile, oublié, solitaire ; je l’ai éveillé, j’ai brisé sa chaîne, je lui ai donné une armée ; — le tyran règne encore ! Il reconnaîtra mes soins par le sang d’un million d’hommes, par la ruine d’une nation, — par sa fuite et son désespoir.

Une seconde voix. Le vaisseau voguait, le vaisseau voguait rapide ; mais je ne lui ai pas laissé une voile, je ne lui ai pas laissé un mât ; il ne reste pas une planche de sa carène on de son tillac ; il n’a pas survécu un seul infortuné pour pleurer son naufrage ; j’en excepte un cependant, que j’ai soutenu sur les flots par une touffe de ses cheveux, et c’était un objet bien digne de ma sollicitude, un traître sur la terre un pirate sur les flots ; — mais je l’ai sauvé afin qu’il préparât pour mes yeux des calamités nouvelles.