Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/187

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— Merci, madame, de m’avoir ramené au sentiment de la réalité et de l’honneur. Lafontaine eut raison, on ne doit pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, ni édifier le fragile bonheur d’une jeune fille sur des bases imaginaires comme celles d’un château en Espagne… Je… je m’éloignerai, puisqu’il le faut,

— Jean !… Jean ! reste je t’en prie… sanglota la jeune fille.

— Ma pauvrette, ne pleure pas murmura Jean, à voix basse. Je reviendrai, je te le jure !

Il posa ses lèvres sur le front de Mariette, si longuement, qu’il eût peine à les en détacher. Puis, il se sauva comme un fou !

Qu’advint-il de Mariette ?…

Elle attendit un an.

Puis une autre année !

Et puis encore une autre année.

Puis toujours ?… Enfin, elle fut bien obligée d’écouter l’amour raisonnable d’un riche marchand du quartier, un bon parti, celui-là, et qui assurait son avenir.

On lui mit au doigt l’anneau des fiançailles. Elle se laissa chausser de souliers de satin, habiller de blanc et conduire à l’église. Le soir, elle dansa au son des violons. La noce fut ébouriffante, on en parle encore.

Du bonheur entrevu, il ne resta qu’une ombre que gardèrent les yeux de saphirs de Mariette : le souvenir stéréotypé d’une félicité pressentie, mais qui ne devra jamais revenir…

Et Jean ?

Jean tint parole, il décrocha son brevet. Mais, hélas, il fut entraîné dans le grand tourbillon de la vie. Clubman, sportman, brillant causeur, ses lèvres, en parlant des fem-