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une chimère ? Ainsi, la source coule fertilisante et douce le long de la montagne, mais ses perles liquides glissent dans nos doigts impuissants à les retenir.

« Le grand mérite de l’honneur, dit Alfred de Vigny, c’est d’être puissant et toujours beau, quelle que soit sa source ! »

Tantôt, il porte l’homme à entreprendre des œuvres philanthropiques, des dévouements persévérants, des sacrifices inouïs, des actes de bienfaisance, que ne surpassa jamais l’évangélique charité. Il a des tolérances merveilleuses, des indulgences divines et de sublimes pardons. C’est l’inspirateur de tous les héroïsmes. À sa voix, l’homme embrasse les plus saintes causes et donne sa vie, s’il le faut, pour leur triomphe.

Toute l’histoire de l’antiquité est un los chanté à ce sentiment fier et farouche qui enfanta des héros. Socrate, le plus sage des hommes, donna sa vie pour la Vérité, une autre figure de l’Honneur. Entouré de ses amis, il boit la ciguë, sans crainte, sans défaillance, et la mort vient glacer sur ses lèvres les plus purs principes de la philosophie, que le Christ Jésus devait déifier deux cents ans plus tard. Lucrèce, la fière romaine, s’enfonce un poignard dans le cœur pour ne pas livrer aux barbares son corps virginal. Deux Spartiates, se préparant à mourir pour le salut de la Grèce, gravent sur un rocher cette inscription : « Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts pour obéir à ses lois.» Et l’histoire de France, la merveilleuse épopée, dont nos ancêtres ont chanté les dernières strophes, n’est-elle pas tout entière un hymne à l’Honneur ?

Qui n’a tressailli au mot célèbre de François Ier :

« Tout est perdu, fors l’honneur ! »

Pauvre France ! combien de fois ce cri a jailli de ton cœur meurtri, plus riche de tout le sang qu’il a perdu.