Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/205

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— Ô les femmes, les femmes, trop de poésie, trop d’imagination ! Je veux mon fils pour moi ! J’en ferai un homme, parbleu ! et s’il hérite de la verbeuse éloquence de sa mère, il sera, ma foi, un avocat superbe et plus tard un juge !… Mais, en attendant, un rude gaillard, fort comme un Turc, beau comme un Apollon et qui fera tourner la tête des filles !

— Tais toi, dit la mère scandalisée, mais avec un sourire au coin des lèvres à l’idée des conquêtes que fera son fils !

Hélas ! le destin mauvais souffla sur leurs beaux rêves. Le triste automne suivant les retrouve encore au coin du feu devant un berceau désert ! L’oiseau de passage a brisé le fil qui le retenait captif sur notre triste planète. Le père et la mère contemplent en pleurant un pauvre cheval de bois à la queue arrachée, son jouet qu’il endormait, le soir, dans ses bras et qu’il embrassait au réveil, et deux mignons souliers, les derniers, tout neufs qu’il frappait fièrement sur le plancher pour faire son petit homme… Tout ce qui reste du cher amour disparu !

Pleurez, pauvres parents ! les larmes dégonflent le cœur, qui, sans cela, éclaterait parfois !

Pleurer est doux, pleurer est bon souvent.
Pour l’homme, hélas ! sur qui le sort se pose !

Au coin du feu, les vieillards débiles retrouvent leur ancienne loquacité. Autour d’eux, le vide s’est fait : un à un les anciens ont disparu, ils restent seuls debout parmi tous ces épis fauchés. Et sous les T’en souviens-tu, ma vieille ? le passé renaît un instant devant leurs yeux pendant que le vieux tisonne la flamme éteinte de l’âtre, essayant de ranimer quelque charbon éteint ! Pauvres sou-