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bleu — blanc — rouge

givrent, l’onglée aux pieds et aux doigts lui cause d’intolérables souffrances. Pour oublier le temps, il compte et recompte les étoiles, le pauvre, il en est venu à désirer la place du « pécheur » dont l’image coloriée, avec celle du « juste » sont le plus bel ornement de la chambre de Catherinette. Ah ! se rouler comme ce damné sur des charbons rouges. Cette idée ne lui fait pas trop frayeur… C’est un piège du malin pour le familiariser avec les châtiments éternels et lui atténuer l’horreur de son péché.

Le triomphe d’une bonne ménagère c’est l’étirage de la tire. Dans son impatience de manipuler le lingot oxydé, Catherinette a plus d’une fois brûlé ses jolis doigts roses, solides comme des aiguillettes de corail. Mais, bah ! elle souffle dessus, les secoue un peu, et continue sa joyeuse chanson que scande le mouvement rythmé de ses bras dans le va-et-vient de la tire vaincue, malléable, se colorant de reflets d’astre. Délicieuse Catherinette !… on dirait une Prométhée voleuse des rayons de soleil, narguant les dieux de son rire et de sa chanson. Le ruban d’or fluide vole d’une main à l’autre et se déroule en mille ondulations gracieuses, ainsi qu’une écharpe chatoyante, agitée par une danseuse espagnole ; il se disloque, se torsionne et se casse parfois. Mais le fil est vite repris et suit les caprices charmeurs des bras, de la taille, qui s’incline, se relève avec des attitudes harmonieuses d’aimée. Ajoutez l’oripeau bariolé, des castagnettes, des fleurs sur les grands bandeaux dont l’un comme une lourde aile de corbeau lui cache presque un de ses grands yeux et vous aurez l’illusion d’une prêtresse de quelque culte disparu.

— Toc ! toc ! toc !…