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bleu — blanc — rouge

La porte s’ouvre sous une rude poussée et le vent s’y engouffrant manque d’éteindre la lampe.

Jeannot bondit dans la rafale comme un Méphistophélès et avant que la pauvrette ait crié gare, le vilain lui empoigne la tête à deux mains et lui applique un sonore baiser sur la bouche……

— Voilà pour……

Mais le reste de la phrase mourut dans sa gorge, le sourire vainqueur de sa lèvre disparut sous une masse dorée qui soudain s’abattit sur sa face, lui emplissant la bouche, le nez, les yeux, les oreilles…

Catherinette indignée et surprise, dans un mouvement instinctif de recul, lui avait jeté à la figure sa brassée de tire vermeille.

Pauvre Jeannot, était-il comique et grotesque sous cette visière de Nessus. En voulant dégager sa face de la pâte collante, ses doigts s’y étaient empêtrés !

Juste châtiment d’un bien grand crime ! N’était-ce pas indigne d’avoir profité de ce que la belle avait les mains emprisonnées dans des menottes de tire pour lui voler un baiser.

Mais la grosse colère de Catherinette tomba dans un immense éclat de rire, qui jaillit cristallin de son gosier. Ainsi fondent les gelées blanches aux rayons d’un soleil d’avril. Dieu ! quel éclat de rire tout humide de pleurs, et qui la secouait comme un peuplier agité par le vent. Écrasée sur le parquet, elle n’en pouvait se relever, prise de nouveaux accès, à chaque fois qu’elle apercevait la binette déconfite, plutôt confite, de son amoureux « honteux comme un renard qu’une poule aurait pris. »

Pourtant, un regret la mordait au cœur de l’avoir tant abîmé, mais c’était plus fort que sa volonté, elle riait, riait toujours.

Le bon caractère de la jeune fille finit par avoir raison