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bleu — blanc — rouge

des rouleaux d’atrocités en ces merveilleux « potinographes » à déconcerter Edison lui-même !

Troisième manière. — On s’arc-boute derrière l’affût imaginaire : On dit, et de là chacun tire sur tous ceux qui lui portent ombrage : On dit que Mad. Z. fait parler d’elle. — On dit que la célèbre maison de commerce X sera mise en faillite sous peu, ce qui va rabattre un peu le caquet de cette prétentieuse Madame X.

On dit que M*** de l’hôtel de ville fait du boodlage sur une haute échelle, tandis que sa femme…

Et voilà comment il se fait que les nouvelles, parfois les plus fausses circulent dans l’air ambiant des salons. Essayez de remonter à la source, prenez pour cela le fil conducteur d’Ariane. Roulez, roulez, le fil vous reste dans la main et ne se rattache à rien !

Ceux qui lancent dans l’espace ces cancans, savent-ils toujours les ennuis, le tort, les malheurs que leurs ineptes jacasseries peuvent causer autour d’eux ? Si oui, ils sont au moral plus noirs qu’un Shortis : ce dernier n’a tué que les corps, les calomniateurs, en déflorant les réputations, tuent les âmes…

Vous êtes des meurtrières, des empoisonneuses, belles dames qui, entre deux tours de valse, distillez le venin du mensonge, du bout de vos lèvres minces comme des lames de couteaux. Vêtues de tulles et de vaporeuses dentelles, vous êtes ce poison des Borgia enfermé en des flocons de cristal artistement ciselé, vous êtes ce fruit velouté que les vers rongent au cœur.

Quand le masque de votre beauté vient à tomber, l’azur de vos beaux yeux bleus lance des éclairs d’acier, un horrible rictus enlaidit votre figure et des serpents, des crapauds, des vipères s’échappent en sifflant de vos lèvres. Alors la musique, au lieu d’une valse, semble soupirer un dies irae, un sentiment de vide et de tristesse m’étreint,